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aborder toutes les parties, nous nous bornerons à celles qui paraissent le plus importantes, tant par l’intérêt qui s’attache aux questions elles-mêmes que par l’originalité avec laquelle l’auteur les a traitées.

Depuis longtemps en Allemagne, les philosophes les plus pénétrés de l’esprit de Kant sont venus à penser que Kant avait peut-être donné aux fonctions de la Pensée une complication un peu artificielle. Ils ont trouvé quelque chose d’arbitraire dans le savant appareil des intuitions et des concepts à priori ; ils se sont demandé si le travail de la Pensée ne serait pas en réalité plus simple, et s’il n’y aurait pas lieu par conséquent de réduire le domaine de l’à priori.

Parmi les successeurs immédiats de Kant, Fichte et Hegel ont senti que les intuitions pures et les catégories jouaient dans la connaissance un rôle secondaire ; ils ont pensé que la philosophie devait partir de plus haut, c’est-à-dire des fonctions qui sont l’essence même de la Pensée, des fonctions logiques, et ils ont essayé de ramener à ces fonctions toute la connaissance. Fichte n’a malheureusement pas poursuivi son œuvre avec une rigueur scientifique. Le jour où il a converti le principe d’identité A = A, dont il voulait avec raison partir, en : « Moi = Moi », ou bien : « Le Moi se pose lui-même ; » et le second principe logique A non égal à non-A, en : « le Moi se distingue du non-Moi, pose le non Moi, » il s’est engagé dans une philosophie arbitraire dont la vogue ne devait avoir qu’un temps.

M. Wundt loue aussi Schopenhauer d’avoir pris pour point de départ de sa philosophie le principe logique de Raison[1] qui domine en effet toute la connaissance humaine. Mais il lui reproche en premier lieu de l’avoir identifié sans motif avec la causalité, dans l’expérience externe, et dans l’expérience interne, avec la détermination volontaire, et en second lieu d’avoir fait de cette détermination volontaire une sorte d’entité, qui doit être considérée comme l’essence du monde, comme la seule chose en soi.

M. Wundt veut, lui aussi, partir des principes logiques, c’est-à-dire ramener toute la connaissance à l’expérience d’une part et de l’autre aux fonctions logiques de la Pensée. Qu’est-ce que la Pensée Logique ? Quelle est son essence ? Comment se comporte-t-elle à l’égard des résultats de l’expérience sensible, c’est-à-dire des phénomènes et des séries de phénomènes, et quelles modifications leur fait-elle subir ? La connaissance scientifique est-elle explicable par cette seule réaction de la Pensée Logique, et sans qu’il soit besoin de recourir à des intuitions et catégories à priori ? Tel est en quelques

  1. Satz vom Grunde.