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jouant de toutes les formes et de toutes les réalités du monde fini, proclame le néant de toutes choses en face de la substance universelle ou du moi absolu et puise dans ce sentiment de son infinité une joie mêlée de tristesse, caractère essentiel, trait caractéristique de l’humour. Le comique mêlé au tragique donne la clef de cet art supérieur appelé romantique et qui est celui des grands poètes modernes. Ce mouvement de la spéculation philosophique qui coïncide avec l’apparition du romantisme fait naître chez un penseur humoriste une de ces œuvres originales qui marquent une direction nouvelle. La théorie du comique et de l’humour y est exposée et développée avec une finesse d’analyse, une profondeur d’aperçus et une verve d’expression qui laisse bien loin derrière elle les productions analogues des esthéticiens de l’école de Wolf ou du kantisme. Les chefs du romantisme s’emparent de cette théorie et l’exagèrent sans la dépasser. Elle trouve enfin la vraie formule et la déduction logique dans les écrits d’un véritable esthéticien, à la fois littérateur et philosophe, qui lui donne la dernière main et la place au sommet de l’art.

Arrivé à cette hauteur, il semble que le problème n’ait plus qu’à en descendre pour reprendre une position plus modeste et des proportions plus restreintes. Il en sera sans doute ainsi plus tard, dans d’autres écoles, quand celles-ci, dégoûtées de cette méthode et ne se laissant pas éblouir par ses brillants résultats, reviendront à l’expérience, quand, au lieu de se transporter sur ces cimes vertigineuses, elles voudront reprendre l’édifice par sa base et assurer ses premières assises. Celles-ci s’attacheront à mieux décrire les faits, à étudier dans sa partie empirique le fait principal sur lequel doit s’appuyer toute la théorie du rire et du comique, à mieux reconnaître et distinguer tous les éléments du problème, à le mettre en rapport avec les autres parties de la science à laquelle il appartient, à le suivre dans ses applications, etc.

Mais nous sommes loin encore de ce moment et d’une telle réaction. L’évolution métaphysique du problème n’est pas achevée. La spéculation, tant décriée depuis, peut lui rendre encore plus d’un service, malgré ce qu’elle a d’aventureux dans ses ambitieuses constructions.

On se demandera sans doute quel progrès cette école de l’ironie a fait faire à la question qui nous occupe. N’est-ce pas plus tôt un pas rétrograde que cette conception grandiose, mais chimérique, qui semble plutôt encombrer la science et nuire à son développement que le favoriser ? — Il y aurait là-dessus beaucoup à dire. Une simple observation nous suffira pour répondre. Cette école a eu tort de