Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, X.djvu/174

Cette page n’a pas encore été corrigée
164
revue philosophique

extérieures exprimées par le blanc et le noir, par le chaud et le froid, nue ces sensations nous paraissent opposées. Sans cela, elles nous paraîtraient ce qu’elles sont, hétérogènes. Quant au rude et au poli, au doux et à l’amer, inutile d’insister. Pourquoi n’opposerait-on pas aussi bien le doux et l’acide que le doux et l’amer ? — Ces difficultés étant écartées, j’ai quelque droit de tirer la conclusion de mon syllogisme.

Par là, nous sommes conduits maintenant à prouver, s’il se peut, notre première et principale proposition : La croyance et le désir sont des quantités. Notre raisonnement sera précisément inverse : Toute opposition est une lutte, une neutralisation tentée ou accomplie, qui suppose la similitude des termes belligérants, leur comparabilité numérique, la possibilité de les mettre en équation. Nulle opposition vraie, par suite, ne peut se rencontrer hors des réalités quantitatives. Si donc la croyance et le désir contiennent des oppositions incontestables, il est avéré qu’ils sont des quantités. Or il est évident qu’ils comportent l’un et l’autre des états positifs et négatifs. Un médecin examine un malade ; à la vue des premiers symptômes qu’il observe, il se prononce mentalement, avec un certain degré de conviction, pour l’existence d’une fièvre typhoïde ; puis d’autres caractères de la maladie suscitent en lui une tendance, d’abord faible, puis vague, à nier justement ce qu’il affirme ; à un certain moment, sa négation et son affirmation se balançant exactement, il est dans le doute absolu, état singulier qui serait inexplicable dans toute autre hypothèse que la mienne. Il ne dure guère, et la négation ne tarde pas à l’emporter définitivement, ou l’affirmation à reprendre le dessus. Comment, demanderai-je, interpréter le doute absolu, ce zéro d’affirmation et de négation, si ce n’est comme la preuve qu’à cet instant l’affirmation et la négation, ou pour mieux dire le penchant à affirmer ou à nier, ont la même intensité, la même force, le même poids ? et n’est-ce pas avouer que ce sont des quantités ? Autre exemple. De la volonté, d’abord naissante et débile, puis croissante jusqu’à un certain point non dépassé, puis 1 croissante, de se marier avec une personne, un jeune homme passe graduellement à l’indifférence complète d’abord à l’égard de ce mariage, enfin à la volonté, croissante par degrés, de ne pas le faire (volonté négative qui s’exprimerait en latin par nolle et pour laquelle notre langue manque d’expression). Encore une fois, comment cette indifférence complète serait elle possible si ce velle et ce nolle n’étaient pas équivalents’? Les changements psychologiques dont je parle ne sont-ils pas de vrais passages du positif au négatif, aussi bien que la hausse et la baisse alternatives d’un fleuve ou le