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g. tarde. — la croyance et le désir

à des qualités, les font participer à leur caractère quantitatif ; ce sont, en d’autres termes, des identités constantes qui, loin d’empêcher l’hétérogénéité des choses noyées dans leur sein, les mettent en valeur, les pénètrent entièrement sans toutefois les constituer, les unissent sans les confondre, et subsistent inaltérables au milieu d’elles malgré l’intimité étroite de cette union. La différence de deux atomes chimiques est-elle en soi susceptible de plus et de moins ? Oui, mais à la condition de consister dons la distance de ces atomes, dans leur figure, leur volume et leur vitesse. De même, la sensation du bleu, celle d’une odeur de lilas, celle d’un goût sucré, et aussi bien leurs diverses nuances, qui sont autant de modalités hétérogènes, peuvent-elles être légitimement réputées avoir quelque chose de plus ou de moins les unes que les autres ? Oui, mais seulement si l’affirmation et la volonté comprennent ces phénomènes affectifs dans des propositions ou des décisions qui seront avec raison regardées comme plus ou moins fortes, plus ou moins vraies, plus ou moins justes.

Ma thèse, on le voit, en implique deux : 1o la croyance et le désir sont des quantités ; 2o il n’y en a pas d’autres en psychologie, ou il n’y en a que de dérivées de celles-ci ; ce qui revient à dire que la sensation n’est pas en elle-même une quantité. — Je commencerai par le second point, qui exigerait un volume et que j’effleurerai seulement. Puis, j’aborderai le premier point.

M. Delbœuf (Rev. philos., mars 1877) reconnaît que Fechner « ne procure pas à l’esprit une idée bien nette de ce que peut être la quantité d’une sensation, ni comment par conséquent elle peut être représentée en nombre. » C’est à tort qu’en mesurant l’étendue d’une couleur, ou la durée des sensations en général, on croirait les soumettre elles-mêmes à la mesure. La durée d’un phénomène, extérieur ou intérieur, et aussi bien son étendue, sont des caractères qui lui sont étrangers, des parties de l’espace et du temps et non de ce phénomène en tant que distinct de ces deux objets fondamentaux de la pensée. Il n’en est pas de même de la vitesse d’un fait, qui est réellement une de ses propriétés. Or les psychophysiciens ont fort bien pu mesurer l’intervalle qui s’écoule entre une excitation et une sensation, entre une sensation et une contraction musculaire ; mais il ne s’ensuit pas, comme on le dit par à-peu-près de langage, qu’ils aient mesuré la vitesse d’une sensation ou d’un acte de la volonté. La vitesse étant définie l’étendue linéaire parcourue pendant l’unité de temps, les faits intimes où n’entre pas la considération de l’étendue (quoiqu’ils puissent fort bien avoir lieu dans l’espace) ne sauraient être doués de rapidité ou de lenteur, si ce n’est