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objection possible, que la sensation de résistance attachée à tout mouvement actif ne compromet point l’idéalité de l’espace. D’abord cette sensation de résistance ne joue aucun rôle positif dans la genèse de l’idée d’espace ; elle n’est qu’un prête-nom, et le véritable acteur qu’elle nous cache, c’est l’idée d’effort, élément de nature exclusivement subjective. En conséquence, comme on le verra plus loin, la notion d’espace, loin d’être occasionnée par aucune sensation, n’est réellement qu’une synthèse supra-empirique et à priori d’une multiplicité d’éléments d’effort. On sait en outre que le fait de l’effort volontaire et moteur est la condition essentielle et générale sans laquelle aucune sensation ne pourrait devenir objet d’aperception et partant être saisie sous la forme de l’étendue : d’où il suit que le rapport de l’intuition d’espace à l’activité motrice volontaire est celui d’une forme à priori de toute expérience sensible à une condition absolument générale et subjective de cette même expérience.


III


Cette difficulté écartée, la solution du problème reste encore loin de nous. La genèse même de l’idée d’espace, dont le premier effort moteur est le point de départ, comment s’opère-t-elle ? L’explication ne peut être que psychologique ; mais par quelle voie y arriver ? Ce qui s’est passé à l’aurore de notre vie mentale consciente nous fuit tout autant que l’inconscient. Toutefois, dès l’instant où nous nous reconnaissons forcés d’éliminer tout élément d’ordre empirique objectif, nous pouvons rendre notre confiance à l’analyse réflexive. La solution sera valable si l’explication proposée nous montre comment, aujourd’hui même, en dehors de toute perception antécédente, de toute habitude ou association acquise, nous pourrions nous former une idée d’étendue (sensible), et localiser du point de vue purement intérieur et subjectif nos sensations corporelles.

Auparavant, il est nécessaire de préciser le rôle joué par la sensibilité dans ces faits de localisation. Au xviiie siècle, cette faculté de recevoir des impressions expliquait, avec une complaisance merveilleuse, les problèmes d’origine propres à la psychologie : idée, conscience, moi, personnalité. L’hypothèse d’une sensibilité diffuse, inhérente à l’organisme entier (ce que les modernes ont appelé la