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sûreté comme par l’abondance de ses informations, le mémoire que nous venons d’analyser intéressera vivement tous les amis de la psychologie, tous ceux qui veulent étudier l’homme dans l’enfant. Ce travail est la preuve que, sans être philosophe de profession, un observateur exact peut rendre d’importants services à la philosophie.

Gabriel Compayré.

Alexandre Bain. — Éducation as a science. Londres, Kegan Paul et Cie. 1879.

M. Bain s’est proposé dans ce livre de traiter de l’éducation à un point de vue scientifique. Aussi commence-t-il, ce qui ne semble pas une précaution superflue, par chercher à définir l’éducation. Il écarte successivement certaines définitions, qui lui paraissent trop larges pour être précises. Par exemple, l’un des fondateurs du système national prussien, Stein, voit dans l’éducation « l’évolution égale et harmonieuse des facultés humaines, par une méthode fondée sur la nature de l’esprit et qui a pour objet de développer chacune des puissances de l’âme, de solliciter tous les principes rudimentaires de la vie, d’écarter toute culture trop spéciale, et de perfectionner soigneusement les tendances d’où dépendent la force et la valeur des hommes. » Il est clair que celte définition ne tient compte ni des aptitudes particulières de certains individus, ni de l’intérêt de la société à encourager les dispositions exceptionnelles pour des fonctions déterminées, ni de l’impuissance du maître à provoquer un développement harmonieux dans toutes les directions, et de l’obligation qui, par suite, s’impose à lui de faire un choix selon l’importance relative de chacune d’elles.

D’autre part, Stuart Mill ne nous apprend pas grand’chose en définissant l’éducation « la culture que chaque génération donne méthodiquement à ceux qui doivent la remplacer, pour les mettre en état de conserver tout au moins et, s’il est possible, d’augmenter la somme des progrès déjà réalisés. » Mais quelles sont les conditions les plus propres pour atteindre ce but ? C’est ce que la définition ne laisse même pas entrevoir. Enfin, contre l’opinion de Stuart Mill et d’Herbert Spencer, M. Bain pense qu’il faut exclure de l’idée scientifique de l’éducation tout ce qui concerne le développement physique et l’hygiène. Il croit également que la culture morale, religieuse, esthétique, professionnelle ou technique, ne fait qu’indirectement partie de l’éducation. Le fait essentiel qu’implique celle-ci, c’est le pouvoir qu’a l’esprit d’être façonné par l’action du maître, d’acquérir par là ce qu’il n’avait pas. Ce pouvoir ne peut se manifester que par la mémoire, ou, pour mieux dire, il est la mémoire même. Fortifier la mémoire, voilà donc l’objet principal de l’éducation. On voit que, pour M. Bain, elle reste presque entièrement