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ANALYSES ET COMPTES RENDUS


E. Egger (de l’Institut). Observations et réflexions sur le développement de l’intelligence et du langage chez les enfants (Brochure in-8°, 70 pages, Paris, Picard, 1879).

En faisant appel, il y a quelques mois, aux observateurs de l’enfance[1], en réclamant des journaux paternels et maternels, composés par des témoins sympathiques et attentifs, nous ne comptions pas avoir de sitôt la bonne fortune de lire sur le sujet qui nous occupait un mémoire substantiel et précis, riche de faits et de tous points remarquable, comme celui que vient de publier M. E. Egger. La psychologie sans doute est prête à prendre de toutes mains et à accepter avec reconnaissance tous les renseignements qui lui seront fournis sur le premier âge de la vie ; mais combien sont plus précieuses, plus instructives pour elle, les observations qui lui viennent d’esprits éminents ou distingués, et, par exemple, quand il s’agit de l’acquisition et du développement du langage chez les enfants, les remarques d’un philologue rompu aux analyses grammaticales, et habitué dès longtemps à pénétrer les secrets des langues ! On a beau dire que, pour connaître et interpréter les faits, il suffit au premier venu de les observer : le travail de M. Egger prouvera une fois de plus que les qualités personnelles de l’observateur ne sont pas de celles qui « ne font rien à l’affaire ».

C’est le langage, comme il était naturel, qui a le plus retenu l’attention de M. Egger. Des faits qu’il a recueillis sur ce point ressort une vérité qui nous paraît acquise à la psychologie : c’est la part d’invention et d’initiative personnelle qui revient à l’enfant dans l’acquisition du langage. « L’enfant que j’observe en ce moment articule déjà beaucoup de sons. Il n’y a pas jan seul de ses besoins pour lequel il n’invente un ou plusieurs sons articulés, sans qu’aucun exemple volontaire ou involontaire lui soit proposé… » — « Le travail intellectuel, chez l’enfant, est très actif, et son langage suit ce travail avec une facilité d’invention qui déroule quelquefois notre attention la plus sagace. » Ces réflexions confirment celles d’Albert Lemoine et de M. Taine. Il est certain que l’enfant a un langage à lui, et qu’il nous l’enseigne avant d’apprendre le nôtre. Il crée des mots, dont il s’impatiente souvent de ne

  1. Voyez la Revue philosophique, du 1er  novembre 1878.