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fouillée. — la philosophie des idées-forces

tinction est-elle absolue et définitive entre le mouvement et la conscience ? Nous ne le croyons pas, malgré Tyndall, Helmholtz, Dubois-Reymond et Virchow, mais c’est là une affaire de conjecture ; pour s’en tenir au certain, la distinction du mouvement et de la conscience marque dans la philosophie positive une division de domaines provisoirement légitime, à la condition que ces deux domaines ne restent pas étrangers l’un à l’autre, que la mécanique cérébrale, par exemple, ne se sépare pas de la psychologie, ni la mécanique sociale de la psychologie sociale, et réciproquement. Nous devons donc subdiviser la partie positive de la philosophie en deux régions : 1° théorie générale du mécanisme dans la nature, dans l’homme et dans la société ; en d’autres termes, principes et résultats généraux de la cosmologie mécanique, de la physiologie mécanique et de la sociologie mécanique ; 2° théorie générale des faits et des lois de la conscience, soit dans l’individu, soit dans la société, soit chez les autres êtres vivants. La psychologie expérimentale, l’esthétique expérimentale, l’éthique expérimentale, la logique rentrent dans cette seconde division. Qu’est-ce qui revient donc à la partie conjecturale de la philosophie, c’est-à-dire à la métaphysique proprement dite ? Les questions sur la nature absolue du monde, de l’esprit, du beau, de la moralité et du devoir, du vrai et de la certitude. Les hypothèses auxquelles ces problèmes donnent lieu n’ont pas toutes la même valeur logique, esthétique ou morale ; aussi les unes ne peuvent s’adapter au nouveau milieu scientifique et disparaissent avec le temps comme les espèces non viables ; les autres survivent par sélection naturelle. De cette façon, la conciliation pourra se produire peu à peu jusque dans le domaine des conjectures. Qui croit encore sérieusement, de nos jours, aux nombres de Pythagore, au démiurge de Platon travaillant sur le modèle des idées, à la tabléité, au lit en soi, à l’homme en soi, à l’acte pur d’Aristote, au clinamen d’Épicure, aux hypostases et à la procession divine de Plotin, aux triades de Proclus, aux formes substantielles du moyen âge, à la vis medicatrix de la nature, aux esprits animaux, aux causes occasionnelles, à la providence et à l’optimisme absolu de Leibniz (qu’ira bientôt rejoindre le pessimisme absolu de {{|M.|de Hartmann}}), à l’âme de Stahl qui fait monter le lait aux mamelles, au principe vital dont la réaction produit la fièvre, etc. ? Ce sont des hypothèses exprimant mal des vérités relatives, et qui ont pu avoir leur beauté, leur grandeur, leur utilité à l’époque où elles se sont produites, mais qui ne sauraient pas plus subsister dans notre milieu scientifique que les megatherium ou les dinotherium sur notre terre actuelle ; ce sont les espèces fossiles de la métaphy-