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baudouin. — histoire critique de jules césar vanini

hôtelier de Bruxelles à fréquenter les sermons, il vous répondait : Je ne m’en soucie point ; tous ces faiseurs d’homélies ne savent rien dire que : « j’ai lu ; » quand diront-ils : « J’ai vu ? » Vous ramassiez le mot en riant, puis vous décidiez d’un ton grave que ce « j’ai vu » du malin Brabançon devrait être la devise des philosophes[1]. À la bonne heure ! mais pourvu que les philosophes sachent voir.

À Bruxelles, on perd la trace des deux voyageurs ; mais ils devaient être sur la route de France, car, dans le courant de 1610, Vanini, sinon Genocchi, que nous reverrons à Gènes en 1614, se trouvait pour sûr à Paris, où le drame de sa destinée n’allait pas tarder à se nouer. Il avait alors vingt-quatre ans. Il venait de dépasser ce que j’appellerais volontiers l’âge de sa formation. Il pouvait encore gagner en esprit et en savoir ; mais son caractère était fixé. En traversant les Provinces-Unies et les Pays-Bas espagnols, si profondément divisés par leurs dissensions religieuses et qui commençaient à peine à se reposer de quarante ans de guerre, il s’était senti de l’humeur du sage qu’applaudira un jour La Fontaine, toujours prêt à s’accommoder aux gens. L’Inquisition, qu’il avait retrouvée en Brabant et dans les autres provinces catholiques, avait fortifié cette disposition naturelle. Ses conseils à son hôtelier partaient d’un homme convaincu qu’il est bon de paraître ce qu’on n’est pas, lorsque la multitude déteste ce qu’on est et que les magistrats le punissent.

A. Baudouin.
{A suivre.)
  1. De arcan., p. 121.