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baudouin. — histoire critique de jules césar vanini

la chaire, s’il était encore novice chez les Carmes quand il y lit ses débuts, ne satisfaisait pas ses ambitions secrètes. Ce qu’il voulait dès lors, il le dit bien haut : c’était apprendre et apprendre encore. Ce qu’il aimait, « c’était cette merveille de beauté et de noblesse, d’excellence et d’agrément qu’on appelle d’un mot, la science. Adorable maîtresse qu’on suit comme malgré soi, source de jouissances et de délices qui vous enivre d’oubli, comme les baies du lotus, pour tout ce qui n’est pas elle, et dont on ne veut plus, dont on ne peut plus s’arracher[1]. »

Quand on aime la science avec tant de passion, on est bien fort, Vanini a raison de le dire, contre la pauvreté ; mais il y a de grandes chances aussi pour qu’on ne s’en tienne pas longtemps à l’enseignement borné des régents universitaires. Et de fait, au cours de ses lectures hasardeuses[2], Vanini ne tarda guère à s’aventurer loin, bien loin des frontières de l’orthodoxie et à se mettre sur la trace des philosophes astrologues du xvie siècle. Ces hardis rêveurs, Pomponace[3], Cardan[4], le ravirent. Dès qu’il lui fut donné de les connaître, il leur appartint sans retour. Après Aristote et Averroës, ce sont pour lui les princes de la philosophie ; les premiers ont certainement à ses yeux plus de grandeur et d’autorité : l’admiration qu’il leur voue de lui-même se double de celle qu’il tient de l’un de ses auteurs favoris, le carme Jean Bacon[5], « si bien nommé — au xixe siècle — le prince des averroïstes[6]. » Mais, s’il commente dans cette première période de sa jeunesse studieuse les œuvres du Stagyrite sur les météores[7] et la génération[8] ; si, plus tard, devenu maître à son tour, c’est l’œuvre d’Averroës qu’il doit mettre aux mains de ses élèves, comme l’A B C de la philosophie[9] ; sa prédilection toutefois est pour Pomponace. Voilà son maître d’élection ! C’est celui-là qu"il invoque en toute rencontre comme un autre Averroës ! car Pythagore ne douterait pas, dit-il, que l’âme du sage cordouan n’ait passé dans le philosophe de Mantoue[10]. On peut affirmer que le système astrologique de ce libre génie fut toujours en quelque sorte le pôle métaphysique de l’esprit de Vanini. Dès que sa pensée s’élève au-dessus des phénomènes dans la région des causes, quel que soit le sujet qui l’occupe, c’est vers ce

  1. Amphith., dédicace, p. 1, 2.
  2. De arcan., p. 98.
  3. Amphith., p. 234, 328 ; De arcan., p. 20, 139, 140, 144, 255, 302. 327, 370, 373, etc.
  4. Amphith., p. 25, 39, 41, 151, 173 ; De arcan., p. 36, 58, 65, 108, 169, 219, etc.
  5. Ou plutôt Baconthorp, selon M. Renan, Averroës et l’averroïsme, p. 420, cité par M. Moschettini.
  6. Amphith., p. 17.
  7. De arcan., p. 27.
  8. De arcan., p. 172.
  9. De arcan., p. 350.
  10. Amphith., p. 36.