Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VIII.djvu/689

Cette page n’a pas encore été corrigée
683
périodiques. — Revue d’Anthropologie.

ne pourraient, chez les primates, être établies sans le secours de l’anatomie comparée, et parallèlement la partie antérieure de ce lobe est beaucoup plus développée chez les osmatiques que chez les anosmatiques. Cependant, il y a une exception pour les cétacés, et l’on ne sait pas la raison de cette anomalie, car « la psychologie des cétacés est actuellement (et pour longtemps sans doute) trop inconnue pour que l’on puisse savoir ou présumer quelles sont ces fonctions cérébrales qui se sont développées chez eux au delà du degré que l’anatomie permet d’admettre chez les autres animaux. »

4o  La différence fondamentale qui existe entre l’appareil olfactif des osmatiques et celui des anosmatiques porte sur le centre du lobe olfactif. Il manque entièrement chez ces derniers ; et c’est précisément grâce à lui que l’odorat jouit chez les osmatiques d’une si grande importance, tandis que sa disparition fait passer le sens de l’odorat à l’état de sens de luxe.

Voici en effet, d’après M. Broca, quelles seraient les fonctions respectives des divers centres olfactifs ;

1o  Le lobe du corps calleux et le lobule de l’hippocampe sont des centres sensoriels.

2o  Le lobe orbitaire élabore les sensations (perçues par les précédents, avec lesquels il est du reste en rapport anatomiquement), et il dirige les actes motivés par le sens olfactif : c’est un centre intellectuel.

3o  Le centre du lobe olfactif est un centre moteur.

Ces divers centres, M. Broca les met très ingénieusement en jeu dans une fine analyse de l’état psychophysiologique d’un chien qui chasse. Le chien va d’abord à l’aventure, aspirant une foule d’odeurs indifférentes ; tout à coup il s’arrête : parmi ces odeurs, il en a distingué une qui révèle la présence ou le passage d’un certain animal ; il délibère ; mais ce n’est rien, et il reprend ses recherches ; puis il s’arrête de nouveau et tombe décidément sur la piste fraîche d’un lièvre. Jusque-là, ses centres sensoriels et son centre intellectuel sont seuls entrés en action. Mais la chasse va commencer. Il s’agit d’une question de rapidité entre le lièvre et le chien ; donc plus de perceptions conscientes, plus de délibérations : le lobe olfactif reçoit des impressions spéciales, et ces impressions se traduisent directement en mouvement ; la chasse devient une succession d’actes réflexes compliqués, d’une nature spéciale, pouvant être ou non interrompus par des intervalles de réflexion si des obstacles se présentent. Pourtant l’action motrice du lobe olfactif n’est pas entièrement automatique, « puisqu’elle est surveillée et gouvernée par le lobe frontal, qui, communiquant directement avec le lobe olfactif par la racine olfactive supérieure, peut à tout instant modifier et dominer l’action de son subordonné. »

Mais pourquoi y a-t-il deux centres sensoriels (lobe du corps calleux et lobule de l’hippocampe) ? C’est là un problème non résolu. Existe-t-il deux espèces d’odeurs, comme il existe deux espèces de saveurs ?