Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VIII.djvu/68

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
62
revue philosophique

résumé dans le De arcanis[1], où pourtant il dut introduire des connaissances acquises après coup et qui sont déjà de la science, l’action de la lune sur les marées[2], l’influence de l’alimentation sur les mœurs[3], etc. Ce fut dans cet essai qu’il commença à s’engouer d’une idée à laquelle depuis il revint sans cesse. On se rappelle le conte de sa mère sur les signes de naissance. Sa curiosité était restée ancrée à ce mystère de la physiologie. Bien d’autres philosophes avant lui s’en étaient préoccupés, au xvie siècle surtout, et tous, ou presque tous, y avaient vu un effet de l’imagination. C’est l’opinion qui a prévalu. Vanini a fait évidemment des efforts pour résister à cette explication. Dans l’Amphithéâtre, il a pris soin de faire remarquer que ces signes de nature ne sont pas propres à l’homme seul. Il cite, d’après les auteurs, certains fragments de matières inertes où étaient représentés des plantes, des animaux, jusqu’à des portraits d homme, entre autres celui de saint Paul ermite[4]. Lui-même il a vu à Naples, dans le musée de l’empereur Ferdinand, en compagnie du P. Argotti, carme, une pierre historiée de la figure d’un oiseau[5]. L’objection toutefois finit par lui paraître importune. Il l’écarta et se rangea sans y penser davantage à l’avis de ses devanciers[6]. Seulement, ce qui n’était chez ceux-ci qu’un expédient, devint chez Vanini toute une théorie sur la part que prend l’imagination à la création des êtres. On verra plus tard quelles bizarreries il en a tirées, par exemple comment il s’en sert pour produire artificiellement des chevaux verts[7] et aussi, les Épitres de saint Paul aidant, de parfaits chrétiens.

Ce dut être quelque temps après qu’il eut écrit ce traité de physique qu’il se décida à quitter Naples, pour aller continuer ses études à Padoue, où enseignaient alors le sceptique Crémonini et le grand Galilée[8]. Il semble qu’il ne se rendit dans cette antique et célèbre université que par un coup de tête. À la manière dont il parle de la méchante soutanelle[9] qui l’y abritait si mal contre l’hiver, on dirait qu’il eût dépendu de lui de vivre moins péniblement. Les religieux qui avaient instruit sa jeunesse avaient-ils espéré le retenir dans leur couvent ? Avaient-ils fait fond sur son éloquence naturelle, non pas tant nerveuse et forte qu’élégante et jolie[10], pour ajouter au lustre de leur ordre et donner un second au P. Bartholomeo Argotti, ce phénix des prédicateurs[11].Il est certain que Vanini a prêché[12] ; mais

  1. De arcan., p. 301.
  2. De arcan., p. 114 et suiv.
  3. De arcan., p. 348. 349.
  4. Amphith., p. 68.
  5. De arcan., p. 205.
  6. De arcan., p. 236.
  7. Amphith., p. 274.
  8. M. Moschetlini. Rivista Europea, mars-avril 1879.
  9. De arcan., p. 351.
  10. De arcan., p. 2.
  11. De arcan., p. 205.
  12. De arcan., p. 234, 235.