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Je ne sais si je m’abuse, mais je crois que cette remarque que je vous soumets, et à ce titre, n’est pas tout à fait dénuée d’importance ; je vous serai bien obligé de la publier dans votre Revue.

Agréez, etc.

Benamosegh.
Livourne, 5 octobre 1879.

Mon cher Directeur,

Je remercie M. Benamosegh de l’attention qu’il a bien voulu donner à l’étude sur les idées-forces, publiée par la Revue philosophique. En lisant son intéressante lettre, j’ai été frappé de le voir, sur quelques indications sommaires contenues dans mon récent travail, se poser le même problème auquel j’ai consacré tout un livre : Quelle est l’influence de l’idée de liberté sur le déterminisme de nos actions ? Si votre honorable correspondant italien veut bien se reporter à la deuxième partie de La liberté et le déterminisme, et au livre IV de L’idée moderne du droit, il y trouvera une réponse étendue à la question qu’il se pose. Sans vouloir revenir sur des problèmes que j’ai longuement examinés, je me contenterai, dans cette simple causerie, de courtes remarques sur les trois points auxquels touche M. Benamosegh : 1o  L’efficacité pratique de l’idée de liberté (comprise en un sens vraiment rationnel) permet-elle de conclure immédiatement à son objectivité métaphysique ? 2o  Quand nous faisons une action indifférente pour le seul motif de nous montrer à nous-mêmes et aux autres notre liberté, n’y a-t-il plus déterminisme ? 3° Quel est le rapport qu’on peut établir entre la théorie des idées-forces et le cogito de Descartes ?

La liberté — qu’on a souvent le tort de réduire à une de ses formes les plus douteuses, le libre arbitre — se ramène, selon nous, à deux choses : indépendance à l’égard du dehors, c’est le côté négatif de cette idée ; plénitude de la puissance intelligente, c’est le fond positif. Nous reviendrons un jour sur le contenu exact de la notion de liberté ; dès à présent, on nous accordera que tous les hommes ont l’idée et l’amour de la liberté ainsi conçue, c’est-à-dire l’idée et l’amour du maximum d’indépendance qui doit appartenir à la puissance intelligente envers les forces extérieures et inférieures.

Or, selon une loi psychologique dont nous avons essayé ailleurs de montrer les raisons et les conséquences importantes, tout désir est, au sens propre du mot, un mouvement vers l’objet désiré, toute