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ANALYSESwundt. — Der Spiritismus.

rence fait involontairement songer à ce qu’accomplirait tout homme muni d’un fort aimant. Les physiciens de Leipzig étaient trop convaincus de la bonne foi du sujet en expérience pour qu’un doute les effleurât seulement. À leur place, un critique, un médecin, un magistrat, tous gens plus inclinés à douter de la véracité des objets soumis à leur investigation, n’auraient certes point négligé d’examiner les manches de la redingote de Slade.

Les hommes de science qu’invoque Ulrici n’étaient donc pas sur leur domaine ; ils sont incompétents. Le seul homme compétent, parce qu’il a étudié et reproduit avec succès plusieurs « expériences » de Slade, est le docteur Christiani, préparateur à l’Institut physiologique de Berlin ; or il assure que ces « expériences » sont de simples exercices de prestidigitation.

Pour ce qui a trait à la seconde question, Wundt rappelle d’abord à Ulrici que, dans la très grande majorité des cas, c’est sur l’autorité des autres hommes que nous tenons tel ou tel fait pour vrai ; le nombre de faits dont nous sommes capables de connaître par nous-mêmes les conditions et les lois est relativement très petit. Tout ce que nous croyons nous semble pourtant d’autant plus assuré que nous y découvrons un plus grand accord avec l’ensemble de nos connaissances. Avant d’ajouter foi à un fait nouveau dont nous ne pouvons contrôler nous-mêmes l’observation, nous devons exiger que ces deux conditions soient remplies : 1o  le fait doit avoir été constaté par un témoin digne de foi et versé dans les recherches dont il s’agit ; 2o  ce fait ne doit pas se trouver en contradiction avec les faits établis. Certes, il peut arriver qu’un fait tenu d’abord pour impossible rentre plus tard dans quelqu’une de nos théories générales et soit trouvé vrai. Mais citerait-on, dans toute l’histoire des sciences, un savant qui, apportant un fait nouveau, ait soutenu que, par cette découverte, toutes les lois connues de la nature devaient être bouleversées de fond en comble ? Eh bien, voilà précisément ce qu’on soutient aujourd’hui. Les lois de la pesanteur, de l’électricité, de la lumière et de la chaleur n’ont plus, nous assure-t-on, qu’une valeur hypothétique et purement provisoire. Quant à la nouvelle conception des choses appelée, suivant Ulrici, à remplacer l’ancienne, quant au spiritisme, il ne repose que sur l’arbitraire de quelques individus qu’on nomme médiums. Le moyen de prendre au sérieux une pareille prétention ? C’est au fondement même sur lequel repose tout l’édifice de nos sciences, c’est au principe universel de causalité que s’attaque le spiritisme ! D’un côté, l’ensemble majestueux de toutes les lois naturelles connues, toujours vérifiées et toujours plus solides et plus étendues, héritage séculaire, incessamment accru, de la conscience sur cette planète. De l’autre, un petit groupe de savants, dont tous les travaux personnels ont contribué à fortifier l’autorité de ces lois naturelles, mais qui, à une époque de leur vie et sous l’influence de certaines pratiques étrangères â leurs études, déclarent tout à coup que le principe de causalité est un leurre, et que nous n’avons rien de mieux