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passe en revue les idées de Comte, Mill et Spencer sur la même question. L’idée de Comte est connue-, il rejetait la méthode introspective, sous prétexte que les faits psychologiques sont entièrement des faits biologiques, qu’il faut étudier comme tels. En dépit des bizarreries de sa physiologie cérébrale, Comte a été le premier à comprendre et à proclamer qu’une théorie des fonctions intellectuelles et morales se rattache de soi à une théorie de l’organisation, et à faire de la psychologie une branche de la biologie.

L’idée adverse d’une psychologie séparée a été vivement défendue par un des plus considérables écrivains de ce temps, Stuart Mill. Il déclare en effet dans sa Logique que, malgré les rapports des états nerveux et des états de conscience, « les phénomènes mentaux ne se laissent pas déduire des lois physiologiques de notre organisation nerveuse », assertion même présentement inexacte, comme le prouve la multitude de renseignements psychologiques que la physiologie tire des faits d’organisation. L’explication de cette singulière méprise de Stuart Mill n’est pas difficile. Au lieu de considérer l’état organique et l’état mental comme des aspects différents d’un seul et même processus, Stuart Mill partageait, en y insistant, « la commune erreur qui fait du processus nerveux l’antécédent et le générateur du processus mental. » C’est comme si, dit Lewes reprenant une métaphore d’Aristote souvent citée, on faisait du convexe d’une courbe l’antécédent de sa partie concave. « À vrai dire, cette manière de parler s’entend de quelques cas. Ainsi le processus d’excitation rétinienne est la première phase d’un processus complexe, dont la dernière est la sensation visuelle ; en ce sens, il peut être dit l’antécédent de cette sensation visuelle, et même il peut avoir lieu sans se terminer par la phase complémentaire de réaction sensorielle appelée vision. Mais on entend toute autre chose quand on dit qu’ « un processus nerveux ou un état organique est le corrélatif physique d’un état mental. Ce n’est pas cet événement isolé, c’est la synthèse totale et complète, en d’autres termes l’ensemble des conditions données, qui est la cause du produit mental. » (§ 41.) Le lecteur se rappelle que la distinction de l’effet et de la cause n’est pour Lewes qu’un artifice de logique : l’effet, c’est la somme des facteurs ou des conditions envisagée du point de vue synthétique ; la cause est cette même somme considérée analytiquement. Le tort du vulgaire est de prendre la partie pour le tout et d’ériger en cause tel de ces facteurs pris arbitrairement. Ce serait donc se méprendre de pareille façon que de faire du système nerveux ou nervoso-musculaire le substitut du mécanisme sentant tout entier, autrement que par abréviation. « Si par l’expression de processus nerveux nous entendons simplement le changement moléculaire qui se produit dans le nerf et le centre, au heu de nous représenter par là un changement produit dans l’organisme sentant tout entier, alors il est vrai qu’un procès nerveux est l’antécédent d’un état de conscience, l’étincelle qui précède l’explosion. En ce sens, il serait