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baudouin. — histoire critique de jules césar vanini

immenses lectures. Sa curiosité, cette curiosité avide qui lui rendra la science si friande, s’essaye à dire ses premiers pourquoi. Pourquoi, durant certain hiver, les poiriers du verger n’ont-ils point perdu leurs feuilles[1] ? Pourquoi les branches de laurier ne craquent-elles plus au feu quand elles sont desséchées[2] ? D’où vient qu’une vessie gonflée ne peut rester au fond de l’eau[3] ! Comment cette dorade de Tarente a-t-elle pu vivre, sans air, tout un jour, dans un vase clos[4] ? Ces préoccupations enfantines, auxquelles il reviendra plus tard, nous apprennent quelle était dès lors la constitution de son esprit. Elles nous expliquent sa répugnance intime aux démonstrations de la métaphysique, son dédain de Platon[5] ; son aversion, ce n’est pas assez dire, son dégoût profond pour les scolastiques[6] ; sa vénération pour Hippocrate et pour Galien, son enthousiasme pour Aristote[7], en tant que naturaliste. Evidemment, il était né observateur, comme d’autres naissent musiciens ou géomètres. Avec un peu plus de méthode, un peu moins d’imagination, il pouvait devenir célèbre autrement que par sa mort. Et qui sait ? le Mécène qu’il chercha toujours[8] se serait peut-être rencontré pour l’aider à préparer cette grande histoire naturelle dont il se vante d’avoir conçu le projet ! On ne s’étonnera donc pas qu’il n’eût aucune aptitude pour les sciences où les autorités font loi[9] ; rien ne lui convenait moins que la théologie et la jurisprudence. L’une et l’autre furent pourtant l’objet premier de ses études. Il est juste de dire qu’il les aborda de bonne heure, sans se connaître et sans les connaître, dans un temps où il n’avait pas encore le gouvernement de lui-même. Les raisons qu’eurent ses parents de le pousser de ce côté se devinent. Jules-César était puîné, et comme tel, suivant la coutume, il n’avait rien ou presque rien à attendre de l’héritage paternel ; il fallait de toute nécessité qu’il devînt homme d’Eglise ou homme de loi ; autrement, nul moyen de vivre. On l’envoya donc de Taurizano à Naples, où il dut entrer comme novice dans je ne sais trop quel couvent, peut-être bien celui des Carmes[10]. Il y fit ses humanités, et il y suivit, sous la discipline des religieux, les cours de l’Université[11].

Il n’a dit nulle part ce qu’il fut comme étudiant, mais on peut affirmer que ceux qu’il appellera plus tard ses maîtres à capuchon[12] ne le trouvèrent pas indocile. Quoiqu’il parle assez froidement de

  1. De arcan., p. 161.
  2. De arcan., p. 44.
  3. De arcan., p. 29.
  4. De arcan., p. 215.
  5. De arcan., p. 452.
  6. De arcan., p. 350, et Amphith., p. 27, 211.
  7. De arcan., p. 3, 4, 7, 26, 184, 216, 239, etc., et Amphith., 137, 197.
  8. De arcan., p. 185.
  9. De arcan., p. 259.
  10. Amphith., p. 17 ; De arcan.,p. 205.
  11. Amphith., dédicace, p. 4.
  12. De arcan., p. 316, 422, 423.