Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VIII.djvu/613

Cette page n’a pas encore été corrigée
607
perez. — l’éducation du sens esthétique

saient faire et riaient même de ce jeu, pour elles sans importance. La famille, à son tour, n’y vit que matière à s’égayer. Dès ce moment, un des grands plaisirs de l’enfant, plaisir d’ailleurs très fatigant, fut de faire le petit vieux. Nombre de parents sont d’autant plus portés à favoriser cette vilaine caricature des défauts choquants, qu’ils y voient ordinairement la marque d’un naturel vif et d’un esprit observateur. Il suffit de rappeler que c’est là, dans tous les cas, l’un des pires emplois de l’esprit. La raillerie chez l’homme fait, la moquerie chez l’enfant, ne sont rien moins qu’aimables. « Diseur de bons mots, mauvais caractère ; » ou peut étendre l’aphorisme de La Bruyère à la moquerie enfantine. On peut lire aussi avec profit les conseils de Fénelon relativement à cette habitude qu’on laisse prendre aux enfants « de contrefaire les gens ridicules ». « Ces manières moqueuses et comédiennes, dit-il, ont quelque chose de bas et de contraire aux sentiments honnêtes. » Ainsi, beaucoup de gaieté, assez de plaisanterie, point de moquerie, voilà la règle applicable à ce cas.

Aussi bien cette tendance invincible à tout imiter, à tout dramatiser, pour se réjouir, peut être utilement dérivée à des imitations tout à la fois inoffensives et instructives. Avant l’âge de quinze mois, la plupart des enfants contrefont très drôlement la voix, le chant, les cris d’un certain nombre d’animaux, le mmou des vaches, le oua-oua du chien, le mi-mi ou le miaou du chat, le hi-ha de l’âne, le coua-coua-coua du canard, le kou-kou kou-kou de la poule, le pi-pi-pi-pi de l’oiseau, le pâ-pâ du paon, etc. C’est là un emploi très anodin de leur faculté d’imitation comique, et qui a surtout l’avantage de développer leurs organes vocaux, et de les porter à observer les cris et en même temps les formes et les allures des animaux à imiter. Il sera, du reste, très facile de modérer chez eux cette tendance à contrefaire les animaux, pour peu quelle dégénère plus tard en habitude grossière et inconvenante.


Sens du merveilleux. — Les enfants, comme les sauvages, pensent en images et mesurent la vérité, la réalité des choses, à la vivacité des images qui les traduisent. Ils croient tout ce qu’on leur raconte, parce qu’ils le voient, et tout ce qu’ils ont vu, ils le racontent ou l’entendent raconter avec le plus grand intérêt. C’est pourquoi serait-il plus facile et plus profitable pour eux qu’on les exerçât aux récits dramatisés de leurs propres actions qu’à des fictions, la plupart du temps absurdes. Grâce à leur imagination scénique, qui remet sous leurs yeux les tableaux de la vie réelle et réveille dans leurs cœurs les sentiments qui s’y rattachèrent, ils ont de fréquents retours sur eux-mêmes, qui peuvent influer directement sur leur bonheur, sur