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perez. — l’éducation du sens esthétique

lements, des balancements immodérés : il faut partout se substituer à la nature, sacrifier l’initiative de l’enfant, l’amuser. Or la nature n’a pas besoin de tant d’excitations, et n’en exagérons pas les propres exigences. Si l’enfant est malade, il a souvent besoin d’être distrait, mais pas amusé ; s’il s’amuse sans entrain, n’étant pas malade, c’est qu’il s’amuse à sa manière. Libre à lui. Surtout défions-nous d’un assez ridicule usage, exigé et toléré comme une sorte de convenance sociale, grâce auquel toute personne admise auprès d’un enfant se croit tenue de l’embrasser, de le cajoler, de lui parler à tout propos, de l’intéresser n’importe comment : toutes ces manœuvres sont propres à surmener l’attention et à surexciter les nerfs de l’enfant : elles l’enlèvent à ses observations utiles, elles lui font perdre son temps ; elles gênent son humeur naturelle, portent atteinte à l’indépendance de son caractère ; elles peuvent fausser sa franchise et compromettre son innocence en môme temps que sa santé. L’enfant n’est pas une chose futile, un gracieux animal de salon ou un joli meuble de salle à manger, pour servir ainsi de point de mire à tout venant, pour être la banale poupée des grandes personnes. Il faut ne le laisser qu’à lui-même, et l’y laisser autant que possible. Jouons moins avec lui qu’il ne joue avec nous, et surtout n’oublions pas que, si l’on doit respect à l’homme, on le doit bien plus à l’enfant, qui n’a ni la force ni l’idée de réagir contre les impressions malfaisantes.

Si l’on doit peu s’inquiéter de trouver des plaisirs pour l’enfant, on doit, autant que possible, les diriger et les régler, et l’on peut se demander quels sont les jeux à favoriser dans le premier âge.

La nature nous donne sur ce point deux indications précieuses : la première, c’est que tout jeune animal a pour initiale et suprême récréation l’agitation des membres et l’émission des cris irréguliers ; la seconde, c’est que tout animal enfant et même adulte a besoin de compagnons et d’instruments de jeux, soit pour communiquer sa joie, soit pour l’exciter. Les meilleurs jeux, même pour l’enfant h la mamelle, sont donc ceux qui le mettent le plus en dépense d’activité musculaire. À ceux-là, il peut se livrer à son aise, entre les bras de sa nourrice, sur le lit de ses parents, sur le tapis de la chambre, sur la pelouse du jardin : la seule précaution à prendre à l’égard de ces jeux primitifs et universels, c’est qu’on les arrête à propos. L’enfant les varie assez de lui-même pour qu’on n’ait pas besoin de l’y aider, et, si l’on intervient pour les modifier, ce doit être en vue d’expériences propres à éclairer sur sa santé, son tempérament, son caractère, sur son intelligence, et sur l’état de son développement. De très bonne heure aussi, l’enfant doit se mêler aux jeux de ses