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ou d’un jeune camarade, si elles sont justes, vaudront toujours mieux, à titre d’excitation et d’exemple, que les instruments les plus délicats que nous puissions rêver dans notre siècle d’inventions phonomimiques. Ces sortes d’instruments ne remplaceront avantageusement que les nourrices radicalement dénuées d’oreille et de voix.

Je passe à une question aussi importante que celle de l’oreille à former, celle du cœur à former par l’oreille. Ce qu’on chante à l’enfant n’est pas indifférent à son éducation esthétique et morale. On aurait tort de lui jouer ou de lui chanter les premiers airs venus, sous prétexte que son oreille parait toujours satisfaite par du bruit. Le sens musical de l’enfant réclame une accommodation particulière de notre goût au sien. Des airs simples, doux, aimables, voilà ce qu’il lui faut ; et surtout des airs qui ne dépassent pas la moyenne portée de la voix dans les cinq premières années. Ces qualités essentielles se trouvent dans un petit nombre des naïves, mais pas assez naïves chansons, qui ont égayé et endormi nos ancêtres enfants. On pourra trouver mieux encore. J’avoue que les paroles dont ces airs sont l’accompagnement sont loin de répondre aux nécessités de l’éducation première. Elles sont, la plupart du temps, d’une ineptie plus que puérile. Il y a un assez grave danger à rebattre les oreilles du nourrisson de chansons dépourvues de sens, ou d’un sens inintelligible pour lui. Les airs qu’on lui apprend, et dont il comprendra et retiendra bientôt les paroles, devraient signifier quelque chose de vraiment et de gracieusement enfantin. L’éducation des mères et des nourrices est ici toute à refaire. Je ne connais pas, du reste, un seul recueil de chansons enfantines, au vrai sens du mot. À peine en pourrait-on extraire une douzaine, entre mille, du fatras de fadaises qu’on a décorées du titre alléchant de chants d’asile. Quant aux chansons qui, depuis des siècles, dans nos divers patois, ont charmé les jeunes années de nos pères, elles peuvent fournir çà et là des rythmes, des intentions, des phrases, à qui voudra essayer de composer le joli répertoire d’enfantines que je rêve pour nos babys.

Encore ces berceuses, ces rondes, ces risettes, ces ballades, quoique très pauvres de sens, offrent-elles certaines qualités musicales en rapport avec l’imagination enfantine : c’est e rire sonore, le tour dansant, l’heureuse étourderie, le tapage insouciant.

Si l’on n’apprenait aux enfants que ces balivernes musicales, il n’y aurait que demi-mal. Mais il est des mères, mal inspirées par leur sentimentalité apprise, qui ne craignent pas de surexciter les fibres émotives de leurs nourrissons, à l’aide de langoureuses romances,