Cependant d’essais en essais, d’imitation en imitation, toujours encouragés, et parfois redressés, ils en arrivaient à produire de grossières ébauches qui indiquaient au moins l’intention de représenter des objets et des formes particulières. Il y avait là plusieurs progrès accomplis, quoique d’une importance très restreinte, formation du coup d’œil, formation du coup de main, formation du sens créateur de l’expression physique, et peut-être de l’expression morale. Je ne cite que des cas d’exception. En quel degré est-il possible et utile de les généraliser ? Je laisse la réponse à l’expérience. En tout cas, les jeux instructifs dont je parle me paraissent relever de cette admirable méthode Frœbel, dont l’intuition est la base, et dont l’observation est le couronnement.
La faculté poétique peut aussi recevoir, dès cet âge tendre, une sorte de culture appropriée, par le développement de ce qu’on a nommé l’instinct de construction. Donnez à un petit enfant de vingt mois à deux ans une pellette et un petit seau, asseyez-le, ou laissez-le courir sur une allée sablée, et vous admirerez ses efforts de construction et de démolition multiples, indescriptibles, infatigables. .Je voyais l’autre jour dans un square une petite fille assise à côté de sa bonne, qui, pendant un quart d’heure, n’a pas cessé de remplir et de vider en le retournant son petit seau ; avant de le relever, elle le frappait de quelques coups de pelle : c’était le moyen de le vider entièrement et de former une petite éminence de sable régulière. Elle ne réussissait pas toujours à produire une œuvre sans défaut ; elle se tournait alors vers sa bonne, et, lui tendant la pelle, après avoir retourné le petit vase, l’invitait à frapper à sa place. La bonne consentait quelquefois à ce qui lui était demandé, mais le plus souvent la laissait faire, ce que je trouvai excellent.
Il est donc possible de donner un aliment approprié à l’instinct de création, qui, chez l’enfant, est aussi inventif qu’imitatif, mais aussi maladroit qu’irrésistible. Mais il faut se garder de le surfaire. Ainsi, que le fils de Tiedemann, à peine âgé de treize mois, ait pris et arrangé plusieurs tiges découpées de chou blanc avec l’évidente intention de leur faire représenter des personnes qui se visitent, j’ai déjà dit ce que j’en pense : il faut voir dans ce fait une simple imitation plutôt qu’une manifestation de l’instinct créateur. J’ai vérifié plus d’une fois l’inexactitude de cette observation. Je ne citerai qu’une seule de mes expériences. Un jour, croyant beaucoup intéresser un de mes neveux, âgé de trois ans et quatre mois, et fort intelligent pour son âge, je lui dis, dans le jardin, que nous allions faire l’Adour, avec le pont et les peupliers de la rive. Du bout de ma canne, j’écartai les cailloux et traçai sur la terre une longue ligne creuse et