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L’ÉDUCATION DU SENS ESTHÉTIQUE

CHEZ LE PETIT ENFANT



Le sens du beau visuel se manifeste de très bonne heure chez l’enfant, parallèlement au sens musical ; le sens du jeu et le sens dramatique apparaît un peu plus tard ; et encore un peu plus tard, le sens de la fiction ou du merveilleux en récit. Je vais présenter ici, sur le premier développement de ces quatre instincts innés ou héréditaires, quelques observations, qui, bien que modestes et pas toujours neuves, pourront éveiller des réflexions utiles chez les personnes qui s’intéressent à la psychologie et à la pédagogie infantiles.

Sens du beau visuel. — Dès la fin du premier mois, ou vers le milieu du second, la fixité du regard, l’attention soutenue, le sourire, et les gestes automatiques de la tète, des bras et des jambes, chez l’enfant mis en présence d’objets bien éclairés, vivement colorés, et surtout agités, ne paraissent pas exprimer autre chose que le plaisir résultant de sensations très-excitantes. Un peu plus tard, quelquefois avant la fin du troisième mois, la vue d’une bougie, d’un objet à couleur tranchante, détermine chez lui des trépignements, des tressaillements, des gazouillements, qui sont l’expression naturelle de la joie, de l’envie, de l’admiration. Depuis longtemps déjà, le sein de la nourrice, le biberon, la personne de la nourrice, celle de ses parents et amis, lui ont fait produire, à peine vus, des gestes, des cris et des attitudes analogues : ainsi, pendant les premiers mois, on peut croire que le beau se confond pour lui avec le bon, que son idée est celle de l’agréable. Le moment d’éclosion des germes esthétiques héréditaires ne paraît pas encore venu. Mais on peut déjà constater que l’intensité de ces émotions visuelles est en rapport avec l’impressionnabilité constitutionnelle du sujet et prévoir vaguement le degré de sa sensibilité future. Le diagnostic du psychologue doit se tenir dans une prudente réserve, car ces premières indications ont un objet très borné, et l’on peut se demander si les aptitudes héritées d’un enfant, surtout parce qu’elles se montrent avec