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sent. Ce qui dans le présent ne trouve pas son explication n’est pas entièrement perdu ; ce qui n’est pas exécuté immédiatement n’est pas interrompu dans son action. En général, de semblables situations peuvent être constatées à d’autres époques. Le mouvement n’a pas moins continué son cours, et, malgré toute l’analogie, le présent se distingue avantageusement de ces temps dans la chose principale. La cause de la confusion (qui règne aujourd’hui) n’est pas seulement une défaillance de la force intellectuelle, qui trahit la mort d’un monde, mais un désaccord intime (innere Zwiesfalt), une éruption de forces diverses qui n’ont pas encore pu se concilier, le commencement de grands efforts qui attendent de l’avenir leur achèvement. »

Ch. Bénard.

Ardigò. — La morale dei positivisti. In-12. Milano. Battezzatti. 724 p.

La Morale des positivistes, tel est le litre du très récent volume de M. Ardigò. Le but de l’auteur est de montrer que les positivistes ne sont pas dépourvus d’une morale, comme on les en accuse, et que même leur morale est plus élevée que celle des idéalistes et des théologiens leurs adversaires, en même temps que plus solide. Il va sans dire que la science de l’action lui paraît comporter, comme toutes les autres, l’emploi de la méthode expérimentale, La morale construite à priori, et constituée d’un petit nombre d’idées abstraites formant système, reste en dehors de la réalité psychique et n’est qu’une vaine combinaison de concepts. Les puissances d’où provient en nous l’action sont extrêmement complexes et multiples : elles se composent d’une immense quantité d’idées et d’impulsions, de représentations et de sentiments, qui ont dans l’esprit leur vie propre et produisent inévitablement des actions déterminées. Rien de plus inexact que de séparer les sentiments des idées et les uns ou les autres de la volonté ; toute conception est, dans le fait, accompagnée d’une émotion ; toute émotion, d’une action au moins commençante. La sensation, nom général de tous les phénomènes psychiques, est d’elle-même impulsion. La tâche de déterminer les lois de l’action dans leur rapport avec les lois de la pensée ne peut donc appartenir qu’à l’observation ; ce qui est contient seul le secret de ce qui doit être.

Par cette méthode, M. Ardigò est conduit à une doctrine qui rappelle celle des stoïciens et celle de Spinoza. Un être a toujours les tendances qui sont rendues indispensables par ses conditions d’existence. L’animal, étant capable de mouvement, avait besoin de distinguer les objets et d’éprouver le plaisir et la douleur : il est doué de l’une et de l’autre fonction. Dans toute la série animale, l’esprit ou l’âme (de quelque nom qu’on appelle l’ensemble des pouvoirs psychiques) est en