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ANALYSESb. de la fléchère. — Les révolutions du droit .

qui émane du premier doit primer celui qui émane du second. Il n’en est pas de même du droit consultatif, où le droit particulier prime le droit commun : on peut suivre à Genève la coutume de Genève, et dans le reste de la Suisse celle de la Suisse.

Laissons les autres contradictions du droit, et passons aux lacunes qu’il renferme. Pour y suppléer, le procédé principal est l’analogie, qui consiste à inférer de la façon dont le législateur a réglé certaines matières, celles dont il aurait réglé d’autres matières de même espèce. Ce procédé, pour être des plus utiles, ne laisse pas d’offrir des dangers. Par exemple, comme il y a dans nos codes modernes des éléments romains et des éléments germaniques, il faudrait se garder d’appliquer à la réserve germanique les règles de la légitime romaine.

Tels sont les principaux moyens à l’aide desquels on peut reconnaître les courants juridiques et constater la volonté sociale. Cette volonté, nous devons nous y soumettre, en dépit de ses imperfections et des expédients artificiels qu’elle imagine. Mais, par cela seul qu’elle contredit souvent le sentiment naturel, il est évident que ce sentiment ne suffit pas pour nous la révéler. L’étude du droit est donc nécessaire, et tous doivent s’y livrer : « Dans l’état social, il n’est permis à personne d’ignorer le droit. »

C’est par cette maxime tant soit peu chimérique que M. B. de La Fléchère termine, oubliant sans doute qu’il a lui-même (p. 187) reproché aux peuples latins, à tort ou à raison, de prendre des fictions pour des dogmes, et que l’axiome connu : « Nul n’est censé ignorer la loi, » exprime non un dogme, mais une fiction. — À un point de vue plus général, le vice capital de son œuvre, qui, dans le détail, est loin d’être sans mérite, c’est de vouloir transformer les faits en principes. Le droit semble s’expliquer pour lui par la combinaison de l’intérêt et de la force. Or ni l’une ni l’autre de ces deux dernières idées ne nous obligent en aucune façon. Elles ne peuvent donc, même en y ajoutant la conception, artificiellement superposée au système, d’un plan providentiel, expliquer l’idée du droit, qui nous oblige.

H. Dereux.

Lastarria. Leçons de politique positive. — Ouvrage traduit de l’espagnol par Elisée de Rivière et L. de Mikorski. Paris, librairie espagnole et américaine Denné.

Dans cet ouvrage remarquable, qu’il faut remercier MM. de Rivière et de Mikorski d’avoir fait connaître au public français, M. Lastarria a recueilli les théories politiques qu’il avait déjà professées dans une Académie. Ce ne sont d’ailleurs point les leçons d’un pur théoricien, d’un politique de papier » ; l’auteur ayant exercé de hautes fonctions publiques, notamment au Chili, où il a été ministre de l’intérieur, peut invoquer à l’appui de ses doctrines son expérience personnelle.