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ANALYSESb. de la fléchère. — Les révolutions du droit .

irrégulière selon l’époque, ne sont pas touchés par les influences délétères du moment ! Esprits déclassés, ils se trouvent sans écho, restent isolés au milieu de la foule, désespérant du présent, désespérant de l’avenir, tandis que ceux que le moindre talent distingue, mais que les égarements à la mode ont profondément pénétrés, sont portés en avant par une impulsion irrésistible. Leurs fautes deviennent des mérites, leurs erreurs des vérités, leurs sophismes des éclairs de génie ; les passions qu’ils excitent font leur gloire, et, au lieu de diminuer le désordre, ils l’augmentent. La postérité s’étonnera, sans comprendre, qu’un Socrate puisse être mis à mort, un Platon ne pas prendre part aux affaires, un Aristote rester sans influence sur sa patrie. C’est que c’est l’heure des sophistes. Stuart Mill en eut tous les succès. Il fut admiré comme philosophe, eut des disciples nombreux ; les étrangers traduisirent ses ouvrages ; ses concitoyens le députèrent au Parlement et se proposent de lui ériger un monument pour éterniser sa mémoire. Dans les nébuleuses, les étoiles de troisième rang apparaissent de première grandeur. » (P. 208).

Cette sorte de misanthropie philosophique nous semble bien peu justifiée. Le siècle n’est pourtant pas tellement corrompu, ni les esprits tellement infectés de sophistique, qu’on ne rende encore justice, même sans se laisser convaincre, aux intentions et aux mérites d’un livre sérieux et sincère comme celui de M. Funck-Brentano.

Victor Brochard.

H. Brocher de La Fléchère. — Les révolutions du droit. — Paris, lib. Sandoz et Fischbacher.

Cet ouvrage, qui a pour sous-titre : Études historiques destinées à faciliter l’intelligence des institutions sociales, doit comprendre plusieurs tomes. Le premier tome, le seul qui ait encore paru, est une sorte d’introduction philosophique à l’histoire du droit, histoire que l’auteur se propose de considérer ensuite dans ses diverses parties. La fin pratique qu’il poursuit est la réforme du droit, qui, selon lui, a pris un caractère tellement conventionnel qu’il a cessé de représenter le sentiment populaire et que la souveraineté du peuple est devenue une fiction.

Aussi, dans un premier chapitre intitulé : Le droit coutumier et la philosophie du droit, M. B. de La Fléchère insiste-t-il sur la place que doit occuper à côté des lois inscrites dans les codes le droit coutumier. Dans les pays français, dit-il, on accorde une importance excessive à la loi, qu’on est disposé à identifier avec le droit. Erreur ! c’est dans la coutume, prise au sens le plus large, que se trouve l’expression la plus exacte du droit. L’opinion publique ne punit-elle point des torts qui