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Commentons cette définition ; voyons pourquoi Aristote, après avoir dit « quand on dort », ajoute les mots « en tant qu’on dort ».

« Le rêve, dit-il, n’est pas toute image qui nous apparaît pendant le sommeil ; car il nous arrive parfois de sentir d’une certaine façon des bruits, et de la lumière, et de la saveur, et un contact — faiblement, il est vrai, et comme de loin. Ainsi, par exemple, on entreverra en dormant une faible lueur que l’on prendra dans son sommeil pour celle d’une lampe, et à son réveil on reconnaîtra que c’était réellement la lumière d’une lampe ; et de même pour le chant des coqs et les aboiements des chiens, que l’on reconnaîtra effectivement à son réveil. Parfois on répondra aux demandes. Cela provient de ce que, de même que la veille, le sommeil sera partiel. »

C’est là une remarque d’une profonde justesse. Combien de fois ne m’arrive-t-il pas, vers l’heure du réveil, d’être, par exemple, plongé dans un rêve flatteur, quoique parfaitement bizarre et tout à fait invraisemblable, et d’entendre en même temps au-dessus de ma tête les pas et le caquetage des enfants qui font leur toilette, et au-dessous de moi les allées et venues des domestiques qui nettoient la salle à manger et dressent la table pour le premier repas ? Je dors par rapport à mon rêve ; je suis éveillé pour ces bruits divers qui annoncent le retour de la vie. — Des phénomènes du même genre s’observent à l’heure où l’on se dispose à s’endormir.

Et puis, en thèse générale, dans l’un et l’autre de ces deux états de transition, n’y a-t-il pas un empiétement graduel soit de la veille sur le sommeil, soit du sommeil sur la veille ? Il y a donc des instants où l’on ne veille et ne dort que partiellement. Le domestique que vous avez chargé de frapper à votre porte pour vous faire lever, s’adresse à la partie de l’âme qui déjà entend et perçoit les bruits extérieurs. Car, sans cela, comment parviendrait-il à vous réveiller et comment pourriez-vous lui répondre ? Or cette perception du bruit n’est certainement pas un rêve, bien qu’elle ait lieu pendant le sommeil. Concluons donc, et réservons la dénomination de rêves aux images et aux conceptions qui s’offrent à notre esprit pendant que nous dormons et en tant que nous dormons.

Telle est une première note distinctive du rêve. On voit sans peine que ce procédé de définition s’applique parfaitement aux hallucinations d’un insensé, aux idées délirantes d’un malade atteint de la fièvre, aux extases voluptueuses d’un fumeur d’opium, aux insanités d’un homme ivre. Le rêve, l’hallucination, le délire, l’extase, l’ivresse sont ce qu’ils sont et caractérisés comme tels en raison de l’état physiologique du sujet chez qui ils se produisent. Sans doute, dans le langage ordinaire, on dit les rêves d’un fou ; mais, scientifi-