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et alors elles sont sans office scientifique, ou ce que nous en savons vient des faits eux-mêmes ; alors les théories dont elles sont l’objet sont au fond la répétition, avec des mots différents, des théories relatives aux lois proprement dites. En poussant des lois aux prétendues causes des phénomènes, nous ne pénétrons pas, comme on pourrait se le figurer, dans les dessous de la nature. Si notre horizon s’élargit, nous demeurons encore sur le plan des faits. Ce que nous atteignons, ce sont des lois encore, toujours des lois, plus générales assurément que celles dont elles sont le résumé et la raison, mais qui n’en sont pas moins la généralisation des rapports observés entre les faits. Scientifiquement, causes et lois se confondent.

Du reste, Whewell lui-même, comme dirigé malgré lui, par un secret instinct, s’attache de préférence aux méthodes inductives, relatives à la découverte des lois. Bien qu’il insiste avec force sur la distinction, radicale à ses yeux, des causes et des lois, la description qu’il donne des moyens propres à atteindre les causes est brève et superficielle. Il l’a résumée dans les quatre aphorismes suivants : 1° Dans l’induction des causes, la principale maxime est que nous devons prendre grand soin de posséder et d’appliquer, avec une clarté parfaite, l’idée fondamentale de laquelle l’induction dépend. 2° Les inductions relatives à la substance, à la force, à la polarité, dépassent les pures lois des phénomènes et peuvent être considérées comme des inductions de causes. 3° La cause de certains phénomènes étant inférée, nous sommes conduits à aller de cause en cause, recherche qui doit être conduite de la même manière que les précédentes ; de la sorte, nous obtenons l’induction de causes ultérieures. 4° En contemplant les séries de causes qui sont elles-mêmes les effets d’autres causes, nous sommes nécessairement conduits à admettre une cause suprême dans l’ordre de la causalité, comme nous admettons une cause première dans l’ordre de la succession.

De ces aphorismes, les deux derniers dénotent des préoccupations purement métaphysiques et religieuses, dont nous n’avons pas à tenir compte ici. Quant aux deux premiers, on se demande si les règles qu’ils contiennent, relatives, en apparence, à la découverte des causes, ont la portée que Whewell semble leur attribuer. Il semblerait qu’aux yeux de Whewell certaines idées fondamentales, en particulier celles de substance et de force, donnent une vertu singulière aux inductions dont elles sont issues, et leur permettent de franchir les limites du domaine des faits et des lois. De la sorte, les idées fondamentales se diviseraient en deux catégories : les unes, comme les idées d’espace, de temps, de nombre, de ressemblance, relatives à la découverte des lois ; les autres, celles de substance, de