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tannery. — la théorie de la connaissance

Mais, si l’on adopte les hypothèses du théorème de la conservation de l’énergie, c’est-à-dire si l’on suppose que les forces intérieures soient une fonction de la distance seule, s’ensuivra-t-il nécessairement que toute indétermination soit exclue ?

M. Boussinesq, dans un travail qu’il a eu l’occasion de défendre ici même[1], a récemment élevé un doute contre l’affirmative, jusqu’alors généralement admise sans conteste. L’intégration des équations différentielles, problème analytique auquel se ramène la question de la détermination du mouvement lorsque les forces sont données, peut en fait conduire, en même temps, à ce qu’on appelle l’intégrale générale et ce qu’on appelle une intégrale singulière, et le choix entre l’une ou l’autre de ces solutions a pu paraître arbitraire au savant professeur.

Nous ne pensons pas qu’il arrive à convaincre les mathématiciens ; Ms sont en effet habitués, dans la recherche de problèmes déterminés, à voir le calcul introduire des solutions étrangères qu’ils écartent ensuite par la discussion. Il peut se faire que cette discussion présente de grandes difficultés, on peut même supposer que, dans certains cas, elle dépasse les forces de l’analyse actuelle. Mais qu’on puisse conclure alors de l’impuissance de choisir théoriquement entre deux solutions à l’indétermination effective, cela ne sera pas facilement concédé.

En fait, les intégrales singulières et les intégrales générales se présentent depuis longtemps dans des problèmes de géométrie pure ; le choix entre elles se fait la plupart du temps sans difficulté, d’après les conditions du problème. En dynamique, Euler, qui a signalé le premier l’ambiguïté, n’a pas hésité non plus dans les cas qu’il a traités. Si, dans des problèmes simples, on peut voir nettement comment s’introduit la solution étrangère, il s’ensuit un préjugé pour les cas plus complexes, et on est conduit à penser que pour ceux-là aussi, une des deux solutions entre lesquelles il y a indétermination apparente doit être nécessairement écartée.

Quoi qu’il en soit, le travail de M. Boussinesq aura sans doute pour résultat d’appeler sur ce sujet l’attention des mathématiciens et de faire pénétrer plus avant certaines recherches analytiques.


VII


Il nous reste à examiner une hypothèse qui est demeurée jusqu’à présent plus spécialement appliquée aux théories physiques, mais

  1. Revue philosophique, janvier 1879, p. 58.