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constants et invariables des faits ; ils proscrivent delà science, comme entachée de métaphysique, la recherche des causes proprement dites, et par causes ils entendent des lois encore et des rapports. Pour Whewell, l’induction s’étend aux lois et aux causes. Les lois sont définies par lui « l’ordre que suivent les phénomènes, les règles auxquelles ils obéissent », et les causes « les pouvoirs dont cet ordre est l’effet, dont ces règles sont la conséquence. » Ce n’est pas à dire qu’il veuille restaurer les puissances occultes et mystérieuses, détrônées par Descartes et Bacon ; mais il soutient que dans l’explication des faits, au delà des lois, l’esprit est capable d’atteindre les puissances réelles dont faits et lois seraient les produits. Ces deux phases progressives de l’induction sont nettement visibles dans l’histoire de la plus parfaite des sciences naturelles, l’astronomie. Galilée et Képler commencent par découvrir, l’un les lois de la chute des corps à la surface de la terre, l’autre celles des planètes ; mais la cause de ces mouvements leur demeure inconnue ; leurs inductions n’avaient pas dépassé les lois des phénomènes. Après eux, Newton explique tous les mouvements des corps par l’attraction universelle ; au delà des lois, il avait, par induction, saisi la cause. — Le progrès réalisé par la science, de Galilée et Képler à Newton, est réel ; mais est-il véritablement le passage des causes aux lois ? Et n’est-il pas plutôt la réduction de lois particulières à une loi plus générale ? On peut dire, dans le langage courant, que la gravitation universelle est la cause qui fait tomber les corps à la surface de la terre, et se mouvoir les planètes autour du soleil ; mais, quand on en vient aux précisions scientifiques, cette prétendue causalité de la gravitation perd tout sens métaphysique et se résout en une relation générale. Que veut-on dire en effet par cette formule que les corps s’attirent en raison directe des masses et en raison inverse du carré des distances ? Rien en vérité, si ce n’est que tous les corps en présence, dans le système solaire, s’attirent mutuellement en raison directe de la masse de chacun d’eux et en raison inverse de la distance qui les sépare. Il y a là simplement, comme en toute loi, des termes distincts et déterminés, et entre ces termes un rapport défini ; rien qui ressemble à ces puissances productrices, sources de mouvement et d’énergie, si longtemps rêvées par les savants, et dont l’existence serait dans le monde des phénomènes une source d’anarchie, loin d’être une raison d’ordre et d’harmonie. On peut dire que la loi de la gravitation est, en un sens, la cause des lois moins générales de Galilée et de Newton ; mais il s’agit alors d’une sorte de causalité logique ; on entend simplement que les lois de Galilée et de Képler peuvent se déduire de la loi de Newton. Quand donc Whewell dé-