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gement alourdie par le poids d’une scolastique encombrante, qu’il n’est que trop aisé de confondre les parties accessoires de son système avec celles qui offrent un intérêt capital. Le train des équipages y est plus considérable que l’armée elle-même, et l’étudiant qui s’attaque à l’œuvre de Kant est trop souvent exposé à croire qu’il s’est emparé d’une position importante, lorsqu’il a seulement capturé une poignée de traînards inutiles[1]. » Ramenant donc à leur plus simple expression les analyses critiques de Kant, M. Huxley réduit à trois rapports essentiels les liaisons naturelles qui existent entre les idées, et qui en assurent la cohésion. Et ces rapports immédiatement perçus par l’esprit, et auxquels il est tout disposé à conserver le nom d’impressions, d’impressions de relation, en souvenir de la terminologie de Hume, il les limite à trois : les relations de coexistence, de succession et de ressemblance.

Ce n’est pas ici le lieu de rechercher si cette courte énumération épuise la liste des relations fondamentales qui, avec les sensations élémentaires de plaisir ou de peine, constituent les faits ultimes et irréductibles de la conscience. Mais ce qu’il importe de remarquer, c’est que la philosophie en a désormais fini avec le vieux sensualisme, avec cet empirisme un peu naïf qui n’admettait que des impressions isolées, indépendantes, atomes de pensée, qui finissaient par s’associer je ne sais comment. Dans ce système, la conscience n’est plus pour ainsi dire qu’une poussière d’atomes, sans cohésion, sans consistance, prête à s’évaporer au premier souffle contraire ; les cadres manquent pour contenir l’expérience, les lois pour la diriger, les conditions même pour la rendre possible. Ce que la philosophie spiritualiste française appelle la raison n’est pas seulement nécessaire pour compléter, pour couronner l’expérience : elle en est la racine et le principe. Qu’est-ce en effet que percevoir un objet extérieur, sinon localiser dans un point de l’espace les qualités que les sens nous révèlent ? Qu’est-ce que percevoir un fait de conscience intérieure, sinon rattacher à un moment de la durée l’impression produite ? De quelque nom qu’on les appelle, avec Kant et ses disciples « catégories et formes de la pensée », « sens intérieur » avec M. Huxley, avec d’autres enfin « principes innés et vérités premières », il est certain que ces principes existent, qu’ils accompagnent toute sensation dont ils sont la règle latente et la condition inaperçue, avant d’en être la loi consciente et réfléchie. Et même l’esprit arrive plutôt qu’on ne croit à s’en rendre compte, à les exprimer dans des formules approximativement exactes. L’enfant qui vers

  1. Huxley, Hume, p. 67.