et ils excluent par suite toute idée de substance spirituelle. Mais, d’autre part, ils répugnent au matérialisme proprement dit, et ils proclament que « les erreurs du matérialisme systématique suffisent à paralyser l’énergie de la vie et en détruisent toute la beauté[1] ». Sur ces deux points, il est évident qu’ils relèvent de Hume. Celui-ci, il est vrai, n’a pas étudié le cerveau : les quelques passages où il parle du système nerveux ne sont que de pâles versions de la physiologie surannée de Descartes. Mais il a comme deviné et affirmé à priori les rapports qui lient les opérations de l’esprit aux changements moléculaires du cerveau. Surtout il a rigoureusement nié que l’on pût connaître, et même qu’il existât, un substratum pour les phénomènes de la conscience ; et en cela il est le véritable père du positivisme. Mais d’un autre côté Hume professe à l’égard de la substance matérielle le même scepticisme qu’à l’égard de la substance spirituelle : de sorte que, par là encore, il est l’inspirateur de cet idéalisme nouveau à base physiologique, qui semble se généraliser aujourd’hui, La pensée, dit-on, dépend du cerveau : cela est certain. Mais le cerveau n’a pas plus de substratum que la pensée, ce que nous appelons le corps n’étant qu’un ensemble de représentations conscientes. Il n’y a donc des deux côtés que des séries de phénomènes qui se succèdent, qui correspondent les uns aux autres, mais dont la cause ou la substance reste inconnue. « Que les trembleurs se rassurent donc ! s’écrie M. Huxley. Devant le flot montant de la matière qui menace de submerger leur âme et leur liberté, qu’ils consultent David Hume. Leur émoi le ferait sans doute sourire : il les blâmerait d’agir comme des païens qui se prosternent en tremblant devant l’affreuse idole élevée par leurs mains. Car, après tout, que pouvons-nous savoir relativement à cette matière qui les épouvante, sauf que c’est un mot pour exprimer la cause inconnue et hypothétique des divers états de notre propre conscience[2] ? » Hume invoqué ici par Huxley pour l’aider à exorciser le fantôme de la matière est bien le père de cette philosophie nouvelle, dont les adhérents parlent comme des matérialistes, sans croire à la matière, et décrivent avec exactitude les opérations de l’esprit sans croire à l’esprit.
II
Pour établir que Hume est autre chose qu’un sceptique, et avant d’en chercher les preuves dans sa philosophie, il convenait de mon-