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compayré. — du prétendu scepticisme de hume

Hume, le savant anglais a esquissé avec une précision rapide la vie et les opinions du philosophe du dix-huitième siècle. C’est une curieuse rencontre, moins fortuite d’ailleurs qu’elle n’en a l’air, que celle de cet homme de science, qui est en même temps un des représentants les plus distingués des tendances philosophiques de l’Angleterre contemporaine, étudiant et jugeant avec compétence et sympathie les œuvres d’un philosophe pur. Les savants demandent souvent et avec juste raison que la philosophie se rapproche des sciences : mais ils ne nous donnent pas toujours l’exemple, et il faut savoir gré à ceux qui, comme M. Huxley, prennent l’initiative de ce rapprochement. Si l’on veut bien se rappeler d’ailleurs avec quelle admiration M. Huxley a toujours parlé de Descartes, le « penseur qui représente mieux que tout autre la souche et le tronc de la philosophie et de la science moderne[1] », avec quelle vivacité il a réfuté le paradoxe d’Auguste Comte sur la prétendue impossibilité de la psychologie, et protesté contre ce « solennel non-sens » du fondateur du positivisme français, on ne s’étonnera pas que, « s’aventurant une fois de plus dans ces régions où la philosophie et la science aiment à se rencontrer, » il soit venu payer son tribut à la mémoire d’un grand psychologue, de celui qu’il appelle « le penseur le plus pénétrant du dix-huitième siècle, bien que ce siècle ait produit Kant[2]. »

En célébrant les mérites philosophiques de Hume, M. Huxley ne fait d’ailleurs qu’acquitter une dette de l’école à laquelle il appartient. Les philosophes anglais de ce temps, et notamment Stuart Mill, n’ont pas assez dit ce qu’ils devaient à Hume ; ils n’ont pas assez déclaré soit les emprunts volontaires qu’ils lui ont faits, soit les rapports naturels qui les unissent à lui. Il était de toute justice que cette omission fût réparée. Il s’est trouvé que, sans avoir fait de physiologie, par la seule analyse de la pensée, Hume a construit une psychologie phénoménale, une « psychologie sans âme », qui s’adapte à merveille aux conclusions du positivisme anglais et de la physiologie contemporaine. M. Huxley et la plupart de ses compatriotes, on le sait, semblent vouloir donner à des prémisses matérialistes une conclusion idéaliste. D’une part, ils considèrent comme absolument démontrée la corrélation des mouvements de la matière nerveuse et des perceptions de la conscience ; ils affirment que les matériaux de la conscience sont les produits de l’activité cérébrale[3],

  1. Voyez, dans l’ouvrage de M. Huxley intitulé Les sciences naturelles, etc. (édit. française, 1877), une belle et sympathique étude sur le Discours de la méthode, p. 452-480.
  2. Voyez même ouvrage, p. 197.
  3. Huxley, Hume, p. 80.