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partie du Traité, le livre De l’entendement ; ils ont laissé de côté les deux dernières parties, le livre II, qui a pour objet les passions, et le livre III, qui traite de la morale ; et, bien qu’ils ne donnent pas les raisons de cette omission, on devine sans peine pourquoi ils ont ainsi limité leur effort[1]. Les spéculations de Hume sur la morale et les passions n’ont pas, tant s’en faut, la même valeur et la même portée que ses recherches sur l’intelligence. Outre l’intérêt moindre du sujet, les réflexions sur les passions ne sont qu’une esquisse superficielle, où se fait sentir plus qu’ailleurs le défaut commun de toutes les parties de la psychologie de Hume, je veux dire le défaut d’informations physiologiques. Quant à ses idées sur la morale, Hume sans doute leur attribuait lui-même une importance particulière ; il les a reprises plus lard dans un ouvrage spécial, An inquiry concerning the principles of morals, dont il disait avec l’illusion complaisante qui trop souvent attache un auteur à celles de ses œuvres qui précisément réussissent le moins : « De tous mes écrits historiques, philosophiques et littéraires, celui-là est incomparablement le meilleur. » Ni les contemporains, ni la postérité n’ont ratifié ce jugement, et de fait la morale de Hume, œuvre de bon sens et de sagesse, ressemble trop à celle du professeur Hutcheson ou de l’évêque Butler pour avoir une véritable originalité. Le premier livre du Traité au contraire, celui où le « profond et subtil philosophe », comme l’appelle Mérian dans son Essai sur le phénoménisme de Hume, analyse les éléments de l’esprit et discute les croyances de l’humanité, le livre De l’entendement est réellement la création propre de Hume, et l’introduction obligée à l’étude de la Raison pure de Kant. Il faut donc remercier les traducteurs exacts et compétents qui, pour la première fois, le rendent accessible au public français ; en même temps qu’il faut noter, comme un des traits les plus caractéristiques du mouvement philosophique de notre temps, ce retour de fortune qui, après un siècle et demi, fait revivre dans une langue étrangère un fragment considérable d’un livre mort-né, comme le disait fauteur lui-même, qui, à son apparition, n’avait pas même réussi à exciter les murmures des dévots.

Une autre preuve de ce renouvellement de faveur qu’excite aujourd’hui le nom de Hume, c’est f étude remarquable que vient de lui consacrer un éminent physiologiste, M. Huxley[2] Sous ce simple titre

  1. Traité de la nature humaine, traduit pour la première fois par MM. Ch. Renouvier et F. Pillon. Paris, 1878.
  2. Dans la collection qui a pour titre Hommes de lettres anglais, éditée par John Morley. Une traduction de cet ouvrage va paraître incessamment à la librairie Germer Baillière, dans la Bibliothèque philosophique.