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baudouin. — histoire critique de jules césar vanini

même que Pompeïo Usiglio, le trop fameux blasphémateur condamné par le Parlement. Ainsi son venin lui survivrait, circulant subtilement parmi la jeunesse, et difficilement pourrait-on en arrêter l’action. Il fallait donc à l’improviste mettre la main sur tous les ouvrages de ce malheureux Italien, qui avaient pu arriver jusqu’à Toulouse. Les mesures à prendre à cet effet se trouvaient toutes prescrites dans les actes du concile de Trente, au chapitre De libris prohibitis, règle 10. On y avait lu que, pour arrêter ou prévenir le débit des livres défendus, les évêques et les inquisiteurs feraient faire dans les librairies des visites fréquentes par des commissaires de leur choix. Les décrets de ce concile n’étaient pas reçus en France ; mais les juges royaux étaient libres de se les approprier en se substituant aux inquisiteurs et aux évêques. C’est ce qui fut fait. On était alors au mois d’octobre 1619 ; les vacances n’étaient pas encore finies. Le premier président Le Masuyer ne voulut pas attendre pour agir que le Parlement fût rentré. Il réunit le 26 la Chambre des vacations et lui fit ordonner « que par l’ung des conseillers de la cour — appelé le vicaire général de l’archevêché de Tolose, ou en son absence deux docteurs approuvés — sera faicte visite et vérification, en toutes les boutiques des marchands libraires de la présente ville, des livres qu’ils exposent en vente, pour estre faicte saisie et séquestration de ceux qui se trouveront défendus et l’impression d’iceux supposée[1]. »

La visite eut lieu dès le 30 octobre ; mais ce ne fut pas un conseiller qui la fit. — En réalité, l’arrêt de la Cour n’était qu’un exequatur délivré à l’autorité ecclésiastique. Le vicaire général de l’archevêché, M. de Rudèle, « ayant en main l’arrêt du Parlement », et le Père Girardel, dominicain, inquisiteur de la foi, se rendirent seuls chez les libraires. On a les rôles des livres qu’ils remarquèrent et qu’ils retinrent pour être examinés par des théologiens, puis brûlés, s’il y avait lieu, dans la maison de l’Inquisition[2] : l’Amphitheatrum et le De arcanis n’y sont pas compris[3]. Il n’y a pas de doute pourtant que c’étaient eux qu’on avait cherchés, et qu’on les avait cherchés parce qu’on les savait être de Lucilio. La preuve en est que le vicaire général prit soin de se les procurer, et qu’il chargea quatre docteurs en théologie, dont un augustin et un

  1. Archives de la Haute-Garonne, B, 390, et G, archevêché, carton de Vanini.
  2. Ibidem, G, archevêché, carton de Vanini.
  3. J’ai communiqué toutes les pièces et tous les procès-verbaux de cette curieuse inquisition des livres à mon ami M. le Dr. Desbarraux-Bernard, qui les a publiés avec de savants commentaires bibliographiques, dans les Mémoires de l’Académie des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse, VIIe série, tome VI, p. 330 à 381.