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liard. — théorie de la science et de l’induction

-mêmes ces liens des faits ? Longtemps avant Whewell, on avait dit que la science a pour objet de découvrir le général sous le particulier, la loi dans les faits. La grosse question à résoudre, pour l’établissement d’une théorie philosophique de la science, est celle de savoir si le général dérive du particulier par une sorte de transmutation, ou s’il est au contraire, en tout ou partie, le produit pur de l’esprit. On ne conteste pas que certaines notions ne diffèrent des représentations sensibles ; mais cette différence ne peut-elle pas s’expliquer par le jeu normal des sensations, sans recourir à l’hypothèse d’une origine étrangère ? Whewell n’a pas vu l’importance de ce problème. Quand parurent ses premiers ouvrages, Stuart Mill n’avait pas encore livré à l’antique forteresse de l’a priori le rude assaut que l’on sait. Mais l’auteur de la Philosophie des sciences inductives était du pays classique de l’empirisme. Si les doctrines de Locke, de Hume, de Hartley et de Mill le père n’avaient pas encore l’importance posthume que devaient leur donner bientôt les travaux retentissants de Stuart Mill, elles étaient cependant largement répandues. Whewell en fait assez bon marché. Nulle part il ne s’attarde à les combattre. Certaines propositions et certaines notions sont universelles et nécessaires. C’est à ses yeux un indice infaillible dune provenance purement intellectuelle. « Les idées, dit-il, qui donnent aux phénomènes la cohésion et la signification qui ne sont pas objets de sensibilité, existent dans nos esprits. » — « Les termes généraux désignent des conceptions idéales, comme un cercle, une orbite. Ce ne sont pas des images de choses réelles, comme le pensent les réalistes, mais des conceptions. Mais ce ne sont pas des conceptions liées par un nom, comme le pensent les nominalistes, mais par une idée. » Si parfois il fait allusion aux doctrines sensualistes, c’est pour remplacer par une expression heureuse la formule consacrée de l’empirisme : « Les idées ne sont pas des sensations transformées, mais des sensations informées, car, sans idées, les sensations n’ont pas de forme. » Quant à la question de savoir comment les idées, issues de l’esprit, se surajoutent aux faits donnés par la sensation, comment deux facteurs distincts et de caractères contraires peuvent s’unir et se fondre en un seul produit, Whewell ne se la pose même pas. De Kant il n’a pris, avec la terminologie, que des vues générales dont il n’a pas pénétré le sens philosophique. Il réserve le meilleur de son effort pour analyser, avec une remarquable abondance d’in-

    l’histoire des principales sciences inductives. J’ai noté une à une les conceptions qui ont été introduites dans chaque découverte capitale dans ces sciences, et j’ai noté à quelles idées elles appartiennent. », (Phil. of Discovery, art. sur Stuart Mill.)