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ment de Toulouse d’avoir condamné Pompeïo, et une gloire non petite pour Catel d’avoir deviné sous un faux nom, malgré des indices incertains, le plus grand athée du siècle. Il eût manqué quelque chose à la satisfaction des Toulousains, si cet illustre n’eût pas été censé avoir ramené tous les juges à son avis. Aussi l’inscription le dit-elle :

                                          « Vel hoc uno memorandus
Quod eo relatore, omnesque judices suam in sententiam trahente
Licilius (sic) Vaninus, impius atheus, flammis damnatus fuerit. »

La vérité est pourtant que les juges ne furent pas unanimes. Le Père Garasse et le Père Bissehus, qui eussent bien voulu qu’elle l’eût été, disent positivement que tous les juges n’opinèrent pas à la mort[1]. Le premier même ajoute, avec une certaine bonne foi, qu’en pareille matière il était bien difficile qu’il n’y eût pas de dissentiment entre eux. Il y en eut qui pensèrent sans doute que l’irréligion qu’on sentait frémir dans l’esprit de la jeunesse, et dont les bouffées effrayaient et scandalisaient les âmes pieuses, n’était pas l’ouvrage d’un seul homme. Et les mêmes aussi peut-être eurent horreur d’appliquer la rigueur des ordonnances, et d’anéantir pour quelques blasphèmes, déjà si rudement expiés et si pertinemment démentis, tant de savoir, d’esprit et d’éloquence. Mais la majorité demeura convaincue que c’était à bon droit que le procureur général chargeait cet étranger de tous les péchés d’Israël ; et sans remords, car il y avait des preuves légales, sans scrupules, car elle croyait fermement que celui qu’elle allait frapper s’était dérobé par la fuite à la vindicte des lois de son pays[2], elle arrêta que l’exécuteur de la haute justice traînerait sur une claie Pompeïo Usiglio, lui couperait la langue, l’étranglerait, puis brûlerait son corps sur un bûcher et en jetterait les cendres au vent.

Vanini avait été reconduit à la conciergerie ; il n’avait plus que quelques heures à vivre ; ordre avait été donné de faire le jour même à la place du Salin les apprêts du supplice, parce que M. de Montmorency avait disposé de cette même place pour le lendemain et le surlendemain. Le duc voulait y offrir aux dames de la ville le spectacle d’une course à la quintaine et d’une course de bagues, en réjouissance du mariage qu’il venait d’apprendre de Madame Christine, sœur de Louis XIII, avec Victor-Amédée, prince de Piémont[3]. — Ainsi l’on préparait la lice et l’on dressait les estrades, pendant que

  1. Garasse, Doctrine curieuse, p. 145, 146, et Bisselius, Septenn., p. 317.
  2. Barthélémy de Gramond, Histor., lib. XVIII, p. 208-210.
  3. Mercure français, tome V, p. 188 et suiv.