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HISTOIRE CRITIQUE

DE

JULES CÉSAR VANINI[1]

(fin)

VI

Un conseiller fut nommé commissaire pour instruire le procès du prévenu. M. Bertrandi ou M. Testory, les relations ne s’accordent pas sur le nom[2], eut lieu de s’apercevoir tout de suite que sa tâche serait bien ardue. On avait bien cru avoir des raisons suffisantes pour arrêter Pompeïo ; on n’en avait pas pour le condamner, au moins selon les formes de la justice. Point de preuves matérielles contre lui. Dans sa chambre, on n’avait trouvé qu’une bible non défendue et quelques cahiers de philosophie. Les capitouls n’y avaient remarqué de suspect qu’un gros crapaud immobile au fond d’un vase plein d’eau[3]. Ces esprits subtils avaient présumé qu’il était là pour quelque raison de magie. Mais Pompeïo avait expliqué, lors d’un premier interrogatoire, qu’en sa qualité de médecin il employait la chair du crapaud comme un remède spécifique de certaines maladies. Toutes les charges du procès se réduisaient donc aux on-dit de l’enquête secrète. Le prévenu aurait hasardé certaines hérésies, proféré certains blasphèmes, en présence de plusieurs personnes qui auraient pris plaisir à répéter ses discours. Mais ceux qu’on dénonçait ainsi, interrogés sans contrainte et comme à l’amiable, s’étaient défendus d’avoir rien dit. Il y a plus : mis en demeure de s’expliquer sous peine d’excommunication, ils s’étaient retranchés dans un silence obstiné. Cette manière d’extorquer des témoignages était un emprunt des tribunaux civils à la juridiction ecclésiastique. À Paris, elle était

  1. Voir les trois numéros précédents de la Révue.
  2. Histoire véritable de l’exécrable docteur Vanini. Rosset. Hist. trag. Zeiler.
  3. Annales manuscrites de l’Hôtel-de-Ville de Toulouse, t. VI, fol. 13, 14.