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mière, un événement singulier se produit. Tout de suite, elle se transforme en impulsion, en action, en expression, par suite en contraction musculaire… Plus on imagine nettement et fortement une action, plus on est sur le point de la faire. Dans les naturels imaginatifs, l’idée d’un geste entraîne ce geste. » En un mot, on peut dire « que, quand l’image devient très lumineuse, elle se change en impulsion motrice. » On peut donc supposer que, s’il y a dans l’écorce cérébrale des points où l’image devient particulièrement claire, ces points se rencontrent là où les extrémités terminales de l’appareil intellectuel s’abouchent avec les extrémités initiales de l’appareil moteur. « D’innombrables courants intellectuels cheminent ainsi dans notre intelligence et notre cerveau, sans que nous en ayons conscience, et ordinairement ils n’apparaissent à la conscience qu’au moment où, devenant moteurs, ils entrent dans un autre lit[1]. »

Dans la voie indiquée par ces auteurs, il reste beaucoup à faire, quoique Darwin dans son livre Sur l’expression des émotions et Bain dans sa classification des émotions simples en neuf groupes aient étudié les mouvements dans leurs rapports avec les passions. D’un autre côté, les recherches récentes des anatomistes et des physiologistes sur les centres psycho-moteurs n’ont pas encore suffisamment attiré l’attention des psychologues : il serait utile qu’un travail critique en déterminât la portée.

Mais l’étude des mouvements considérés comme facteurs de la vie mentale ne doit pas être prise seulement par son côté positif. Il y aurait aussi les côtés négatifs du problème à examiner. L’acte psychique sous sa forme pleine et entière, c’est-à-dire normale, correspond au processus nerveux (transmission, élaboration centrale, mouvement), et cependant il est loin de se présenter toujours sous une forme aussi simple.

Il y a des cas où le premier moment fait défaut : le point de départ paraît être dans une activité spontanée des centres qui est suivie d’un mouvement. Il faudrait rechercher en quoi consiste cette prétendue activité spontanée et s’il y a lieu de l’admettre[2].

Il y a des cas (et ceci est notre sujet même) où le troisième moment fait défaut : l’impression transformée en état de conscience ne paraît pas restituée au dehors sous forme de mouvement. Il y aurait lieu de rechercher ce qu’il faut penser de cette apparence : on verrait

  1. Bain, The Senses and the Intellect., 2e  partie, ch. I, p. 8. — Taine, De l’intelligence, 3e  édit., t. I, p. 482.
  2. On trouvera dans le nouveau livre de Herzen : Il moto psichico e la coscienza, p. 38, une excellente discussion sur la prétendue spontanéité des centres nerveux et une critique approfondie de la thèse de Bain sur ce sujet.