association d’expériences sans nombre ne doit pas nous faire oublier l’état primitif, le rôle que les sensations musculaires ont joué à l’origine, avant d’être remplacées par leurs substituts[1], les impressions de couleur. « On pense généralement, dit Hughlings Jackson, que le processus anatomo-physiologique qui se produit quand nous avons des idées visuelles des objets est purement sensoriel. Cependant, par un processus sensoriel, nous ne pouvons connaître que les propriétés secondaires des corps, ou, comme Herbert Spencer les appelle, dynamiques. Pour avoir l’idée des propriétés primaires ou statiques (grandeur et forme), le mouvement est absolument nécessaire. Pour ceux qui n’ont pas réfléchi sur la question, cela peut sembler un simple non-sens de dire que le processus anatomo-physiologique à l’aide duquel nous obtenons l’idée visuelle de la forme d’un objet est un processus moteur. Il semble si clair que la forme d’un objet consiste en sa simple impression sur la rétine, expansion sensorielle qui est en relation immédiate avec les centres supérieurs du cerveau. Et pourtant il est vraiment inutile de prouver qu’ici la chose essentielle est le mouvement. Comme le dit Spencer dans sa Psychologie, la perception de tout attribut statique d’un corps se résout en perceptions de positions relatives qui sont acquises par le mouvement… Et ailleurs : Les mouvements des yeux, nécessaires pour mettre les éléments sensitifs de la rétine en contact successif avec les différentes parties de l’image, étant eux-mêmes connus par la conscience, deviennent des éléments (components) de la perception. » (Ouvrage cité, p. 31, 32.)
Cette remarque nous conduit à un autre groupe d’états psychiques : les idées. Laissant de côté toute théorie, on peut dire que ce terme désigne ou bien des images, ou bien des abstractions, c’est-à-dire des extraits, fixés par des signes, par des mots. Quel rôle joue ici le mouvement ?
Si, lorsque nous voyons « réellement » un objet, le mouvement est un élément essentiel, ne doit-il pas jouer le même rôle quand nous voyons l’objet « idéalement » ? Quand nous pensons à un objet absent, dans notre réminiscence il y a nécessairement une vue idéale de sa forme comme de sa couleur. « Il s’ensuit qu’il doit y avoir un élément moteur aussi bien qu’un élément sensoriel dans le substratum anatomique dont la faible décharge correspond à ce que nous appelons penser à un objet. Cette notion peut
- ↑ Pour éviter les redites, nous nous permettrons de renvoyer à notre Psychologie allemande contemporaine, ch. V et ch. VII, § 4, où la question est traitée en détail.