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droite ou à gauche. Il est difficile, sans un mouvement de la tête, de dire si un son qui se dirige droit vers nous vient du devant ou du derrière. C’est ce qu’ont établi les expériences de Gellé. À l’aide de son tube inter-auriculaire, il supprime toute influence des mouvements de la tête et des vibrations du pavillon de l’oreille sur la perception du son ; dans ces conditions, l’orientation auditive est totalement supprimée. Le rôle des mouvements est mis ainsi hors de doute. Toutefois, leur étude, sous cette forme, ne rentre pas dans notre sujet, car nous avons à les considérer ici comme éléments et non comme moyens de connaissance, comme faisant partie d’un état psychique et non comme l’aidant à se former.

Nous ne les rencontrons sous cette forme que dans les perceptions de la vue et du toucher. Pour ces deux sens, il suffit de rappeler ce qui a été dit ici même à propos du débat des nativistes et des empiriques (Revue Philosophique, tome VI, p. 130).

Pour le toucher, les mouvements jouent un double rôle. Ils ne sont pas seulement un moyen précieux de varier et de multiplier les contacts ; ils sont par eux-mêmes une source de connaissances, parce qu’ils sont la source d’états psychiques qui constituent une véritable conscience musculaire. Chaque mouvement a sa modalité propre, suivant la nature des muscles mis en jeu, suivant la direction du mouvement (flexion, extension, rotation, etc.), suivant sa durée, son intensité, suivant le degré d’effort et la résistance. L’expérience nous apprend que toutes ces nuances sont transmises à la conscience et qu’elles servent de base à la localisation des perceptions. Le « sens du lieu », le Ortsinn, est en bonne partie un effet des mouvements. Pour comprendre le rôle psychologique qu’ils jouent dans ce cas, il suffit de rappeler que, d’après les empiriques, l’état de conscience qui accompagne certains modes de mouvement musculaire est l’origine de nos perceptions de longueur, hauteur, largeur, forme, position, direction, c’est-à-dire de toutes les déterminations de l’espace.

De même pour la vue. Les mouvements du corps, de la tête, des muscles oculaires servent de moyens pour apprécier la direction, la distance, la grandeur des objets perçus. Mais les sensations musculaires par elles-mêmes entrent à titre d’éléments dans la perception visuelle. Les physiologistes, dans ces derniers temps, ont montré que les sensations de mouvement servent beaucoup à expliquer la formation du champ optique. D’ailleurs, les sensations de couleur, qui sont l’objet propre et immédiat de la vue, ne nous donnent la perception de l’étendue que parce qu’à la longue elles sont devenues pour nous représentatives des sensations tactiles et musculaires que nous pourrions avoir en touchant l’objet coloré. Ce résultat d’une