Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VIII.djvu/383

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voir que le réflexe est le résultat de la contraction du muscle et non de l’excitation directe des nerfs sensitifs, il emploie un réactif (l’ammoniaque) qui n’agit que sur le tissu musculaire[1]. Il en vient à cette conclusion que le sens musculaire résulte de la pression mécanique que la fibre musculaire primitive exerce sur le réseau nerveux qui l’enveloppe, au moment où, par l’effet de la contraction, elle change de forme et de volume.

Tel est, en résumé, l’état de la question. On peut en conclure que « le sens musculaire dépend d’impressions centripètes dérivant de la contraction des muscles, soit seules, soit jointes aux impressions venant de la peau, des ligaments et des articulations, pendant l’acte de la contraction. » Au reste, quelque opinion qu’on adopte, il reste toujours certain, à titre de fait, qu’il existe des sensations musculaires, que nous en avons conscience et qu’elles ont pour objet, pour matière, des mouvements. Or l’importance psychologique de cet ordre de phénomènes apparaît d’elle-même.

Négligeons pour le moment le rôle que jouent les sensations musculaires dans l’acte de la vision et du toucher actif. Négligeons également ces sensations à peine conscientes qui viennent de la tonicité des muscles[2] et qui contribuent à la connaissance vague que nous avons du fonctionnement de nos organes. Ces exclusions faites, il reste certain que nous devons aux sensations musculaires la connaissance de l’état de nos muscles, de leur position, de leurs déplacements, de leur effort, des poids soulevés, de la résistance. C’est le sens musculaire qui nous rend compte à chaque instant de la position de notre corps dans son ensemble, de la position relative des membres, du tronc et de la tête. Chaque fois que nous changeons d’attitude, nous recevons une somme de sensations dont les effets sont de la plus haute importance pour la station et la marche. La valeur psychologique de toutes ces notions n’a pas besoin d’être démontrée. À la vérité, on peut dire que le mouvement musculaire n’est pas connu directement sous forme de mouvement ; que pour

  1. Carl Sachs emploie aussi la méthode wallérienne, c’est-à-dire l’étude de la dégénération des nerfs séparés de leurs centres trophiques, qui le conduit au même résultat. Son travail, publié dans Reichert u. du Bois-Reymond’s Archiv, 1874, a pour titre Physiologische u. anatomische Untersuch, über die sensiblen Nerven der Muskeln. — Ajoutons que G.-H. Lewes, dans un article publié dans Brain et analysé ici (tome VI, p. 63), tout en acceptant les conclusions de Sachs, adopte une opinion éclectique qui fait la part à l’innervation centrale, aux sensations cutanées, etc.
  2. Sans parler des sphincters, les muscles sont dans un état de contraction légère qu’on appelle tonicité : elle a pour cause une incitation permanente de la moelle, qui est elle-même de nature réflexe.