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étudié avec beaucoup de soin, dans ces dernières années, les sensations musculaires, à titre de simple fait. Elle a recherché les conditions qui nous permettent de connaître les variations d’état de nos muscles. Elle s’est demandé s’il y a réellement un sens musculaire ou une sensibilité musculaire, ou si ces états ne sont qu’un cas particulier de la sensibilité générale. Malgré les expériences et les observations cliniques, on ne peut pas dire que la question soit tranchée. Le seul exposé critique des doctrines adverses mériterait un article : ce n’est pas notre sujet. Toutefois l’importance psychologique du mouvement, comme élément de connaissance, n’apparaissant nulle part mieux qu’ici, on nous permettra d’y insister un peu[1].

Nous avons conscience, à titre de sensation spéciale, de la contraction de nos muscles volontaires. L’effort pour soulever un poids ou pour tout autre but, le mouvement de nos membres, la marche, la fatigue, l’état de repos même, ont un certain aspect psychologique qui consiste à nous faire connaître la force et l’étendue de nos mouvements. Souvent, la localisation de ces sensations dans certains muscles est très précise ; ainsi, après une longue marche, surtout en descendant, la sensation de fatigue est localisée, au jugement des anatomistes, dans le jambier antérieur et le triceps crural. Mais comment l’intensité et la portée de la contraction musculaire sont-elles connues par la conscience ? On sait que les muscles sont peu sensibles, sauf aux excitations électriques. Le contact, la section agissant directement sur les muscles (il ne s’agit pas de la peau, dont la sensibilité est très-vive) ne donnent lieu qu’à une sensation obscure. Quel est donc le mécanisme anatomique et physiologique par lequel les variations d’état dans les muscles parviennent à la conscience ? C’est sur ce point que porte la discussion.

Ceux qui rejettent absolument tout sens musculaire (Trousseau, Schiff, etc.) soutiennent que, la contraction d’un muscle entraînant pour les parties voisines des changements de forme ou de tension, les phénomènes dits de sensibilité musculaire sont dus à des froissements ou des tiraillements de la peau, des surfaces articulaires, des ligaments, des tendons, et que par conséquent il n’existe pas pour

  1. La bibliographie des travaux consacrés au sens musculaire serait très longue ; nous nous bornerons à indiquer les principaux. Ch. Bell et plus tard Gerdy ont attiré les premiers l’attention sur l’existence de ce sens. — Voir : Trousseau, Clinique, t. II, ch. lx. — Bain, Les sens et l’intelligence, 1re part., ch. iii. — Wundt, Menschen und Thierseele, Physiologische Psychologie, p. 163, et Lehrbuch der Physiologie des Menschen, 4e édit., 1878, p. 600. — Ferrier, The Functions of the Brain, p. 74-76. — Les deux importants mémoires de Bernhardt et de Sachs cités ci-après.