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delbœuf. — le sommeil et les rêves

temps mieux appropriées aux rêves que je fais. Et ainsi elles ne donnent lieu ni à rectification ni à contradiction.

Quelque chose de semblable se passe dans la folie. Les fous ne savent pas relier leurs idées fixes avec leurs perceptions ; ils peuvent être logiques dans leur folie, mais ils ne peuvent la motiver. Elle provient de ce que des fonctions isolées se mettent en évidence pendant que d’autres fonctions s’arrêtent. Certaines parties du cerveau fonctionnent trop souvent ; par là, une idée devient dominante, et ainsi croît la tendance à la tenir pour vraie. D’autres parties fonctionnent trop peu, ce qui est cause que cette tendance n’est pas réprimée et que l’erreur n’est pas corrigée.

Résumons d’un mot celte longue analyse. Le rêve, ainsi que les visions de la folie, fait illusion, parce qu’il intéresse la périphérie, et il trompe, parce que les attaches du sujet avec l’extérieur sont momentanément rompues, attaches qui ont leur expression dans le savoir potentiel.

Nous avons trouvé une conclusion semblable, mais moins nettement exprimée, dans le travail de M. Radestock.


V


Je ne puis discuter ici tous les points de doctrine qui ont été touchés par M. Stricker. J’en reprendrai seulement deux qui tiennent le plus étroitement à mon sujet.

D’après lui, une condition pour que l’illusion ait lieu, c’est que les organes périphériques soient mis en mouvement sous l’action du système central. D’abord, c’est là une pure hypothèse ; de plus, prise à la lettre, je la crois contraire aux faits. Je connais une personne âgée aujourd’hui de quatre-vingt-quatre ans et qui vers l’âge de trente ans a perdu l’ouïe. Depuis une dizaine d’années, elle est absolument sourde : les bruits les plus forts, elle ne les perçoit plus. On ne peut communiquer avec elle que par écrit. Or, dans ses rêves, elle entend toujours sans peine les personnes avec qui elle est en conversation, et jamais elle ne rêve qu’on doive lui écrire pour se faire comprendre d’elle.

Autre exemple. L’illustre physicien M. Plateau est, comme on sait, devenu aveugle il y a environ trente-cinq ans. Je lui ai demandé de vouloir bien me faire connaître la nature de ses sensations visuelles pendant la veille et pendant le sommeil. Voici ce qu’il me répond :