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delbœuf. — le sommeil et les rêves

Spring — qui a la spécialité des rêves ingénieux — se mit en tête de rechercher un moyen qui permît d’annoncer les éruptions plusieurs jours à l’avance. On peut déjà aujourd’hui prédire dans une certaine mesure les tempêtes et décrire leur marche probable, pourquoi n’essaierait-on pas de faire la même chose pour les phénomènes volcaniques’? Le rapprochement en lui-même avait du bon. Mais M. Spring avait beau se creuser la cervelle, il n’en tirait rien. Alors il s’avise d’aller consulter sur ce point un savant de sa connaissance, il ne sait plus lequel. Il se rend chez lui, le trouve heureusement à la maison, et lui communique son embarras. L’ami saisit de suite l’idée et à l’instant lui fournit la solution cherchée. Il ne s’agirait que d’enfoncer de distance en distance dans le sol des aiguilles thermo-électriques reliées entre elles et avec une station centrale, pour être averti de l’approche des courants de lave. M. Spring approuva fort l’invention et rentra chez lui émerveillé de la facilité de conception de son ami le savant.

Voici comment M. Radestock explique cette singularité.

Elle doit, d’après lui, son origine à l’affaiblissement d’un des éléments de la notion du moi. La conscience de soi comprend la réunion et l’attribution à un même sujet d’un certain nombre d’idées, de sentiments, de volitions et de souvenirs, et, en outre, l’attention et l’aperception active. Or, dans le sommeil, ce dernier facteur est annulé, et le premier seul reste. L’homme alors ne sent plus son moi que d’une manière restreinte, il ne se regarde plus comme l’unique soutien de ses idées, et il en rapporte une partie à des êtres étrangers. C’est là, me paraît-il, plutôt une description qu’une explication du fait. Quant à moi, je suis assez tenté d’y avoir tout simplement la dramatisation de cette habitude de la pensée de se manifester sous forme de dialogue. Au moment où j’écris, je cause avec un lecteur fictif et je lui attribue les objections et les doutes, lorsque je ne me crois pas clair ou que je doute moi-même. Or je pourrais tout aussi bien prendre son rôle, et mettre dans sa bouche les réponses et les solutions. Je me borne à indiquer cette idée ; mon but actuel n’étant pas de composer un traité complet sur les rêves. Dans tout le cours du chapitre, M. Radestock nous donne ainsi un à un, les caractères particuliers qui distinguent les rêves des idées objectives. Il parlera encore, par exemple, de la notion de causalité dans le rêve, de l’immoralité du rêve, et, à ce propos, il examinera jusqu’à quel point on peut être déclaré responsable de ce que l’on fait pendant son sommeil. Il fera remarquer combien habituellement, excepté chez les enfants, les songes sont fugitifs et laissent peu de prise au souvenir. Il va maintenant traiter en deux pages