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placer au premier rang. Cependant le cortège ne venait pas. En attendant, je pensais à toutes sortes de choses pour tuer le temps. L’impatience me gagnait ; j’avais la sensation distincte que j’allais me réveiller ; j’entendais les bruits matinaux de la maison ; mais voulant à toute force assister au défilé de ce cortège original, je faisais des efforts pour me rendormir et terminer mon rêve, comme rêve. Ils n’aboutirent pas. Je me réveillai, bien malgré moi, sans avoir pu contenter ma curiosité.

Ce rêve me semble propre à confirmer ce que j’ai énoncé plus haut. La conscience de soi est le sentiment explicite de la réalité comme telle ; de sorte que, dans le sommeil, il y aurait toujours de la conscience, à un degré si faible qu’il puisse être ; car il n’est pas à croire qu’on soit jamais absolument séparé de la réalité.

Le rêve est le créateur de nouvelles combinaisons ; mais ses produits ont rarement quelque valeur. Presque toujours ses inventions sont de pures inepties comme celle de l’insensé. Il y a donc, dans le sommeil, affaiblissement de la faculté de juger et de raisonner. On trouve tout naturel que des hussards fassent f exercice sur la crête d’un toit ou qu’on traverse les Alpes à la suite d’Annibal. Ces étrangetés reposent, d’après l’auteur, sur des associations et des assimilations spontanées, où la loi de ressemblance a la plus grande part, ainsi que le lien qui unit certaines impressions corporelles aux idées qu’elles éveillent ordinairement.

Souvent aussi, dans les rêves, se manifeste le phénomène connu sous le nom de division ou de dédoublement du moi : on attribue à un autre ses propres pensées et ses propres sentiments. Aux exemples déjà connus je désire en ajouter un autre extrêmement complet sous tous les rapports.

Un soir, dans une réunion d’amis, entre autres sujets de conversation, je mis sur le tapis cette question du dédoublement de la personne. Je racontai le singulier cas de Van Goens qui, étant écolier et ayant l’ambition de rester toujours en tête de sa classe, rêva un jour que le maître lui proposait une phrase latine à traduire. Van Goens n’en sortait pas ; mais cette circonstance ne le tourmentait pas encore tant que de voir un de ses condisciples faire des signes indiquant qu’il avait saisi le sens. Le maître dut finir par interpeller cet élève qui traduisit le passage sans faire la moindre faute et conquit de cette façon la première place. Ce rêve fut l’objet de certains commentaires ; puis on parla d’autre chose. Notre conversation se tenait vers l’époque où l’on s’intéressait beaucoup aux menaces — réalisées plus tard — que l’Etna faisait entendre depuis un certain temps. Or cette même nuit, dans un rêve, mon ami le professeur