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delbœuf. — le sommeil et les rêves

que traite le chapitre suivant. Parlant des causes qui favorisent ou provoquent le sommeil, telles que la tranquillité, la position du corps, etc., M. Radestock cite les expériences qui contredisent la théorie de M. Preyer. On sait que ce savant a prétendu que le sommeil était dû à la présence d’une matière d’épuisement, analogue à l’acide lactique et produite par la fatigue. Il a, en conséquence, étudié les effets de l’ingestion de cette dernière substance sous la peau ou dans l’estomac, et il crut constater qu’elle amenait la somnolence. Il paraîtrait, d’après M. Lothar Meyer, que ces effets sont loin d’être constants.

Quant à une explication physiologique du sommeil, l’auteur affirme qu’il n’en existe pas et qu’il n’essayera pas d’en donner une. Il se contentera d’exposer ses effets physiologiques. Ils sont assez connus pour que je les passe sous silence. Quant à ses effets psychologiques, ils sont bien plus controversés. Certains auteurs veulent que, pendant le sommeil, la conscience soit supprimée ; d’autres la conservent. L’illustre Fechner a sur ce point une opinion tout à fait originale. D’après lui, au moment où l’on s’endort, la conscience atteint son point de nullité, et elle prend, quand on est endormi, une valeur négative. J’ai, dans des articles antérieurs[1], suffisamment critiqué les sensations négatives telles que les a définies le père de la psychophysique, pour n’avoir pas besoin d’insister sur la notion encore plus étrange d’une conscience négative. M. Radestock, en vue de trancher la question, fait, ainsi que M. Spitta, la distinction entre la conscience de soi et la simple conscience. La première est supprimée, mais la seconde subsiste ; car toute représentation est nécessairement consciente, sans quoi elle n’est rien qu’une simple disposition (Wundt).

Pour ma part, je ne suis jamais arrivé à me faire une idée nette de ce que l’on entend par la conscience de soi en tant qu’opposée à la simple conscience. Je comprendrais beaucoup mieux l’expression conscience du non-soi. Je désignerais ainsi la faculté, indispensable à tout être sensible, en vertu de laquelle il attribue à une chose en dehors de lui la cause de ses affections. De cette façon on distinguerait dans les phénomènes qui se passent en nous ceux dont on n’a pas conscience, ceux dont on a conscience, et ceux qui sont accompagnés de la conscience de l’extérieur. Mais le moment n’est pas encore venu de m’arrêter sur le principe de cette distinction.

  1. Voir dans cette Revue, mars 1877, l’article intitulé : La loi psychophysique, Hering contre Fechner. et. janvier et février 1878 : La loi psychophysique et le nouveau livre de Fechner.