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à rendre en français, mais qui, dans le cas présent, peut se traduire à peu près convenablement par le sentiment ou le cœur.

Le cœur ne dort jamais. Le cœur est le plus grand ennemi du sommeil et, quand il envahit l’âme, il n’y a point place pour le repos. Vacarme, lumière, activité, projets, rien ne met obstacle au sommeil, du moment que le cœur n’est pas affecté. Mais, s’il est ému, comme par exemple, lorsqu’on est préoccupé de l’idée qu’on doit se lever à une heure déterminée, le sommeil est léger, et un rien suffit pour l’interrompre. La mère, sourde à tous les autres bruits, se réveille au moindre mouvement de son enfant. Les rêves qui donnent prise au souvenir, sont ceux qui ont excité vivement notre sensibilité. Le souci ou une mauvaise conscience nous tiennent éveillés ; tant est grande la prépondérance du Gemüth sur la raison qui voudrait, mais en vain, rappeler le sommeil.

Le rêve « est la projection au dehors, involontaire et consciente, d’une série de représentations de l’âme pendant le sommeil, projection qui fait que, pour le dormeur, elles prennent l’apparence de la réalité objective. » La suite et l’enchaînement des images entre elles y obéissent aux lois de l’association et de la reproduction des idées, mais non à la loi de causalité[1]: le rêve est illogique. Quant à la question posée par Descartes : À quel signe peut-on distinguer l’état de veille de l’état de rêve ? M. Spitta la déclare « imaginaire et hypothétique »[2] ; peut-être jugera-t-on que ce n’est pas là précisément une réponse.

Dans la veille, notre monde est aussi celui des autres ; dans le sommeil, il nous est propre ; l’activité centripète subit un arrêt ; la formation des idées est fréquemment interrompue, et, comme la conscience de soi n’est pas là pour la diriger et que l’élaboration des impressions extérieures par l’intelligence est naturellement imparfaite, sinon nulle, on voit sans peine pourquoi les rêves sont obscurs, déréglés, sans liaison. Il est même étonnant que nous ayons parfois des rêves logiques. Ceux-ci doivent être particuliers à ces esprits chez qui c’est une habitude prise d’enchaîner toujours logiquement leurs pensées[3].


III


L’ouvrage de M. Radestock, qui a paru peu de temps après celui de M. Spitta, est conçu dans le même esprit ; mais l’auteur insiste

  1. P. 111 el suiv.
  2. P. 112.
  3. P. 116 et suiv.