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delbœuf. — le sommeil et les rêves

jours puisés ; 2o  les impressions sur l’un ou l’autre sens qui est resté plus ou moins éveillé ; 3o  les impressions organiques, ayant leur origine dans l’état des viscères, de la circulation, de la respiration ou des organes génitaux ; 4o  la sensibilité musculaire qu’affecte la gêne résultant de la manière dont on est couché ; 5o  la circulation cérébrale ; et 6o  la condition du système nerveux bien entretenu ou épuisé, neuf ou émoussé, excité par un sang pauvre ou par un sang riche, etc.

M. Maudsley, d’ailleurs, ne s’est occupé des états de sommeil et de rêve qu’incidemment et au point de vue de l’analogie qu’ils présentent avec l’aliénation mentale. Il n’en a pas moins abordé avec une grande netteté de vues plusieurs des questions qu’ils soulèvent et fait sentir l’insuffisance de nos connaissances sur ce sujet.


M. Spitta s’est proposé de démontrer que les phénomènes de raison, de rêve, d’hallucination, se relient entre eux par des gradations nombreuses et délicates, qu’ils rentrent en partie l’un dans l’autre et sont soumis aux mêmes lois psychologiques. Son ouvrage est écrit avec une verve pleine de jeunesse et de poésie, ce qui nuit un peu à la précision qu’on aime à trouver dans un traité scientifique. Au moment où vous vous attendez à une déduction, vous tombez sur une description colorée et abondante qui captive agréablement, mais qui ne vous apprend pas grand’chose — et ces sortes de surprises se renouvellent trop souvent. En dépit de cet aimable défaut, je ne voudrais pas porter sur ce livre un jugement aussi sévère que le fait M. Böhm dans la revue précitée. On y trouve de l’érudition, de fines analyses, d’ingénieuses remarques.

Ce qui, d’après M. Spitta, caractérise le sommeil profond, c’est la disparition absolue de la conscience. Quand on rêve ou qu’on est en état de somnambulisme, on a la conscience, mais pas la conscience de soi, qui est l’apanage de l’état de veille. C’est ce critère, malheureusement trop élastique, qui lui sert à expliquer comment les rêves sont d’ordinaire bizarres et incohérents, pourquoi ils ne provoquent pas d’étonnement chez le dormeur, pourquoi, quand ils sont criminels, ils ne sont accompagnés ni de honte ni de remords. C’est par l’absence de conscience de soi qu’on explique l’assurance et l’adresse du somnambule à marcher sur les toits, les phénomènes extatiques et le doublement de la personnalité qui nous fait, par exemple, dans nos rêves, attribuer à autrui nos propres pensées.

Il est un autre deus ex machina qui joue, dans le livre de M. Spitta, un rôle tout aussi important. C’est le Gemüth, expression difficile