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de l’absence du contrôle des sens et de l’intelligence. Les facteurs des rêves sont principalement les réminiscences, les habitudes, les impressions reçues par les sens, et les sensations organiques, qui accompagnent le processus végétatif pendant le sommeil, — et de plus la « cérébration inconsciente » ou le travail automatique de certaines parties du cerveau moins fatiguées ou plus excitées, qui fournissent inopinément des images fantastiques, des combinaisons grotesques de représentations fragmentaires, mêlées au hasard, comme les figures d’un kaléidoscope. Cependant il y a toujours un lien plus ou moins évident entre les idées qui se suivent, parce que le sommeil n’abolit pas les lois de l’association des idées, et que celles-ci continuent à s’évoquer par ressemblance ou par contraste, ou en conformité du rapport réciproque de cause et d’effet, de but et de moyen, — exactement comme cela a lieu chez les aliénés, chez qui certaines parties du cerveau imposent leur activité à la conscience, et l’accaparent si bien, qu’elles offusquent les impressions sensorielles objectives, qui pourraient remettre le travail psychique sur la bonne voie. » Ce passage me semble exprimer très bien l’état actuel de la science sur la question.

Je porterai un jugement identique sur les deux chapitres substantiels où M. Maudsley s’est occupé du sommeil et de l’hypnotisme. J’y relèverai cette assertion assez singulière[1] que les idées ont « une tendance naturelle à s’arranger et à se combiner en manière de drames, quoiqu’elles n’aient pas entre elles d’associations connues, ou même qu’elles soient tout à fait indépendantes, voire antagonistes. » Bien mieux, elles auraient, d’après lui, « une faculté d’agencement constructive, grâce à laquelle les idées ne seraient pas seulement rassemblées, mais donneraient naissance à de nouveaux produits. » C’est esquiver un peu trop cavalièrement les difficultés relatives à la puissance dramatique et créatrice du rêve. Mais force est bien souvent, dans un pareil sujet, de se contenter de mots, et M. Maudsley lui-même n’est pas dupe des explications entortillées qu’il donne sur les phénomènes singuliers de ressouvenance que nous présentent les rêves : « Quelle qu’en soit la valeur, dit-il[2], c’est là un fait indiscutable. »

Un résumé tout particulièrement nourri, est celui où il énumère les conditions qui déterminent l’origine et le caractère des rêves. Il les classe sous six chefs : 1o L’expérience antérieure soit personnelle, soit ancestrale, où les éléments du songe sont presque tou-

  1. Op. cit., p. 15 et 16.
  2. Op. cit., p. 20.