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paulhan. — l’erreur et la sélection

Elles le sont. Il faut en effet voir une contusion dans l’assimilation de la vérité et de la nécessité d’une impression ou d’une idée. J’ai distingué tout à l’heure la logique générale, mécanisme ou déterminisme, et la logique particulière, subjective, qui se manifeste dans les raisonnements doublement logiques, comme logiquement amenés par les circonstances, et parce qu’ils sont un symbole d’un ensemble de phénomènes différents d’eux et logiquement déterminés. Le raisonnement peut ainsi être logique au point de vue objectif, sans être doublement logique ; c’est dire qu’un raisonnement peut être fatalement amené par les circonstances et cependant être erroné. L’erreur et la vérité sont donc différentes ; mais pouvons-nous les distinguer ? Remarquons que la théorie de la liberté n’a à ce point de vue aucun avantage sur la théorie contraire. Ni la réflexion, ni la faculté de suspendre son jugement dans la crainte d’une erreur ne doivent être niées par les déterministes. Nous sommes libres, dans beaucoup de cas, d’affirmer et de nier, mais libres psychologiquement et non métaphysiquement, c’est-à-dire que nous jugerons, si nous voulons juger, et réfléchirons si nous voulons réfléchir.

La liberté, d’ailleurs, donnât-elle un moyen d’éviter l’erreur, ne ferait pas mieux connaître la vérité. Tout au plus nous conduirait-elle au doute, que l’on peut atteindre tout aussi bien sans elle. Il ne suffit pas de vouloir réfléchir pour connaître la vérité ; il faut encore pouvoir réfléchir, c’est-à-dire posséder l’instruction et l’intelligence. La volonté, il est vrai, peut contribuer dans une certaine mesure à procurer ces avantages ; mais importe-t-il qu’elle soit indéterminée ou déterminée ?

Tous les actes, toutes les résolutions qu’on peut attribuer à la volonté indéterminée peuvent être attribués également à la volonté déterminée. Toutes les méthodes qui sont accessibles à l’une sont accessibles à l’autre. La sensation, le sentiment, le désir, la volition, l’acte composent une sorte de chaîne de phénomènes. À un moment donné, la chaîne peut-elle s’interrompre brusquement ? Après un groupe de phénomènes déterminés dans les circonstances définies, y a-t-il deux ou plusieurs continuations possibles à la série ? N’y en a-t-il qu’une ? Voilà le problème du libre arbitre. Celui de la certitude ne me paraît pas y être intéressé. Si, par exemple, ayant lu les ouvrages de Darwin et d’Hœckel, j’adopte une opinion sur le transformisme, que cette opinion soit le produit d’un acte libre ou le résultat de la force des raisonnements et des preuves soigneusement examinées, quelle différence y a-t-il entre les deux cas au point de vue de la certitude ? Aucun, puisque tous les faits