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paulhan. — l’erreur et la sélection

un groupe d’êtres qui, placés dans des circonstances favorables, pourraient exister et produire à leur tour d’autres êtres. Une partie seulement de ces êtres, que leur structure et le milieu favorisent davantage, survivent et donnent naissance à d’autres organismes. Les autres s’éteignent sans postérité ou ne laissent qu’une postérité qui disparaît bientôt. De même, dans le monde étudié par la psychologie, nous trouvons un groupe de phénomènes capables de produire des phénomènes de l’ordre psycho-physiologique. Ces phénomènes sont des excitations extérieures, ou bien ils appartiennent eux-mêmes à l’ordre psycho-physiologique. Parmi tous ces phénomènes, quelques-uns seulement parviennent à produire soit des actions, soit des processus physiologiques accompagnés ou non de faits de conscience. Bien souvent, il arrive aussi que certaines parties de l’excitation ou de la tendance peuvent seules triompher. Le reste, qui dans des circonstances favorables aurait agi efficacement, demeure sans effet ou bien ne produit qu’un effet de peu de durée et de peu d’importance. Ce qui se produit pour les organismes se produit aussi pour les phénomènes et les processus physico-psychologiques. Un organisme, d’ailleurs, n’est qu’un ensemble de phénomènes et de processus.

Un des enseignements les plus visibles de l’expérience c’est l’extrême importance de la constitution acquise ou héréditaire de l’esprit et du corps dans la production des faits de conscience et des actes. Le terrain sur lequel arrivent les impressions extérieures déterminera la nature de l’effet qu’elles produiront, et cet effet variera beaucoup avec les différences d’organisation. Lutte entre les tendances internes et d’autres tendances internes, lutte entre ces tendances et les excitations externes, lutte des excitations du dehors entre elles, lutte des tendances et des excitations contre d’autres excitations, ou d’autres tendances et d’autres excitations, tels sont les faits qui amènent tous les événements de la vie psycho-physiologique, l’erreur et la vérité, le crime et l’héroïsme, la sensation et l’hallucination. Il ressort de là, semble-t-il, que la vérité ne peut être connue et mise en pratique, dans l’ordre moral comme dans l’ordre intellectuel, que par la multiplication des expériences, des observations et des réflexions. On facilite ainsi la disparition des idées ou des sentiments mal à propos acceptés, puisque, en dernière analyse, la vérité ne se manifeste que par l’accord complet des faits de conscience. Il faut donc provoquer et entretenir dans l’esprit cette lutte pour l’existence, qui est la condition de tout progrès et qui s’accomplit par la sélection des mieux adaptés. Le mal, c’est-à-dire la lutte, est la condition du bien, c’est-à-dire de l’harmonie ; mais, même au